• 14_Déraisonnables

    Hayden

    On sera bientôt morts après tout...

    Y a cette phrase qui tourne en rond dans ma tête, comme une sirène qui hurle, comme un requin prisonnier et qui donne des coups dans les murs, dans les barreaux, je deviens fou, je deviens fou, mais y a pas de sortie.

    Y a on instinct de survie qui crie, et je l'entends, oui, mais je peux rien y faire, à tout ça.

    On aurait pu y faire, avant. 

    Et elle est dans le même état que moi, Aela, voire pire, elle s'est levée, elle tourne en rond, elle fulmine et je sais que ça va passer, je sais qu'elle va user ses nerfs jusqu'à la corde, et qu'elle va revenir, au bord du précipice.

    Mais y a p'us rien à faire.

     

    Aela

    Cette obsession me ronge me ronge je suis souris, elle est fromage et elle est affamée.

    La peur entraîne la peur et se nourrit d'elle-même, j'arrive pas à briser le cercle, j'arrive pas j'arrive pas.

    J'ai envie de rire, parce que je me dis que si j'ai peur, ça veut dire que je suis en vie.

    Alors brusquement, les voix dans ma tête se taisent.

    Tout s'arrête, les pensées rentrent dans leurs alvéoles et cessent de frapper sur les parois de mon crâne, comme pour s'échapper.

    Tout se calme.

    D'un coup.

     

    Hayden

    Elle s'est arrêtée, mais moi je peux pas, ça commence à frapper, je vois double et je pense à une bouteille.

    J'ai la gorge sèche et c'est atrocement tentant.

    Une bouteille, et on aura tout oublié.

    "C'est pas raisonnable mon gars" et ce que je voudrais répondre à cette p'tite voix, c'est qu'elle a tout compris, c'est la chose la plus déraisonnable au monde, c'est totalement complètement entièrement, absolument, avec tous les adverbes qui expriment la totalité, déraisonnable.

    Je veux une bouteille.

    Je me rends pas compte, mais je l'ai gueulé, et Aela est devant moi, aussi. Je l'ai pas vue arriver, ni m'enlacer, elle comme le vent, qui m'enlace, qui me frôle, qui réchauffe et elle m'embrasse, comme aucune fille l'a jamais fait.

    Elle met le feu.

    Et d'un coup, quand j'ai rouvert le paupière, y a plus rien autour de moi, c'est désert, y a qu'un ange, dans mes bras, qui vient de m'embrasser, de cette façon qui veut dire je t'aime et qui refuse les promesses, et qui me dit :

    "Je veux voir la mer".

    Et toutes ces voix entrent en collision "mais ça va pas" "tu rêves" "putain, t'arrives à me surprendre" "moi, je dis, les gars, on ne sait pas où on va, alors on ne bouge pas de là, ok ?" "Mec, t'as jamais réussi à aller ailleurs que chez le boulanger, t'as jamais quitté ton trou paumé, et maintenant que tu es en plein milieu de l'inconnu, tu veux aller à la mer, nan mais, je rêve ?", elles se sont percutées, jusqu'à ce que je dise un :

    "Oui", les étoiles dans les yeux.

    J'adore être déraisonnable.

    Vous savez quoi ? Cette fille a le don de me faire rêver.

     

    Aela

    Je sais où on est, je sens les embruns, j'ai toujours été bonne en géo, et le panneau pas loin me dit que la mer, c'est par là.

    On a pris nos vélos, et on est partis pour ce qu'on imaginait pas être notre dernier tour.

     

    Hayden

    Et on y est arrivés.

     

    Aela

    Il fait une chaleur qui monte de plus en plus, mais avec Hayden, on fait semblant de l'ignorer.

    Les gouttes de sueur coulent le long de mes bras et la brise marine les rafraîchit, je souris.

    On arrête pas de boire, tous les deux, et je me dis qu'heureusement que ça ne va pas durer, parce qu'on va vite finir à bout d'eau, et qu'en plus, on a presque plus rien à manger.

    J'ai les yeux sensibles, c'est vrai, mais au fur et à mesure de la journée, la luminosité se fait plus forte ; je sais que si je lève les yeux au ciel, je pourrais deviner les contours de cette planète qui se dirige vers nous et qui va nous tuer.

    Et nous allons l'oublier.

     

    Hayden

    On avance mains dans la main, on court putain, et c'est si bon d'entendre son coeur battre, c'est si bon de se souvenir qu'on vit encore, que merde on est pas encore morts, que oui, le chrono s'arrêtera, mais que c'est pas pour autant qu'on se décomposera avant qu'il ne l'ai décidé.

    On envoie du sable partout autour de nous, qui se perd dans le vent, et quand on entre das l'eau, ça explose, cette sensation de bonheur qui s'échoue et qui fond sur ma peau, je suis en vie.

    Et je suis amoureux.

     

    Aela

    On s'est aimés dans la mer, on s'est aimés sur Terre.

    Merci.

    On a coupé les fils qui nous reliaient à nos inquiétudes, on s'est déconnectés de ce que vous appelez "le monde réel", y a quand laissant filer le temps, l'oubliant et l'habitant, qu'on a trouvé de le bonheur.

    On a cessé de penser au futur, parce qu'il est à la fois si certain et incertain.

    La planète jaune est venue heurter la Terre, en cette fin de journée, d'une année inconnue, dans un vent de chaleur, elle a ravagé nos coeurs, percuté des millions de vies ; elle a emmené deux amoureux aux cieux.

    Sa collision a permis la nôtre.

    Et la mort, c'est en aucun cas comme on peut l'imaginer.

     

    Maéli.

    Voilà, c'est le dernier, en espérant que vous ne soyez pas déçus ni trop déchirés :)

     

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 25 Mai 2016 à 21:36

    J'ai relue ta chronique toute entière, et elle est toujours aussi géniale :') !

      • Jeudi 26 Mai 2016 à 17:43

        Aha merci, ça me fait super plaisir ! :D

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