• Naïa a disparu Naïa s'est envolée ou Naïa a disparu disparu ?

    Disparue envolée ? Je m'emmêle, la polysémie, c'est une mauvaise manie ; trop mauvaise. A la poubelle les images et les papier cadeaux, je veux la vérité sèche quitte à ce qu'elle tranche

    le mince filet d'espoir qui se désaccorde dans le silence.

    Corinne a inspiré un grand coup.

    -On ne savait pas. Mais... T'as pété un plomb.

    Blanc. Mon menton est tombé.

    On. ne. savait. pas.

    Quelle vérité d'abord ?

    -Naïa ?

    -...n'est pas morte. Elle a juste pris l'air.

    L'espoir a mis les voiles, ce n'est pas si grave ; j'appellerai maman sur le chemin du retour, elle me fera du thé et tout ira bien.

    Corinne a lu sur mon visage et s'est empressée de continuer :

    -Elle n'est jamais revenue. Tu disais l'avoir revue, on n'a jamais su. Henri ne te croyait pas et tout allait si mal et tout s'est emballé et on a reçu sa carte postale, et un soir, tout a explosé.

    -Tout a explosé ?

    Corinne a bien du courage ; et je sens le vent qui me hurle au visage, il hurle si fort si fort que je n'entends plus rien 

    la détonation 

    et puis le silence ; il va falloir faire un pas, sans un regard pour le vide

    -C'était des petits riens au début, tu sortais le soir, tu n'arrivais plus à rentrer chez toi, Henri te ramenait. Henri prenait soin de toi après chaque dérapage ; les nuits où tu te réveillais, paniquée chez un inconnu, les nuits où tu te perdais dans les rues, les factures de téléphone que tu pouvais plus payer parce que tu faisais tout l'agenda de Naïa. Vous avez commencé à vous engueuler.

    Et dans ma tête, je me vois, semer l'ouragan et mon frère jouer l'éclair ; il a toujours été trop protecteur.

    Il m'a toujours aidée et j'ai jamais pu supporter ça.

    Et Corinne, prise dans la tempête.

    -Et un jour,t'es entrée, persuadée d'avoir revue Naïa et...

    On aurait dit qu'elle avait vu un fantôme.

     

    Maéli


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  • Un nom s'est affiché sur l'écran : Anna. La même que ce matin. J'ai raccroché.

    Corinne a levé un regard interrogateur vers moi.

    -Je ne sais pas qui c'est.

    Elle a dégluti. Moi aussi.

    C'est effrayant. 

    Il y a le vide devant, il y a un gouffre, et le vent souffle, j'entends d'ici ses hurlements ; les loups m'attendent en bas de la falaise.

    -Corinne ?

    Je me sens si fragile.

    A la merci du passé.

    -Sophie, en fait, j'ai peu de choses à te dire. Après mon mariage avec Henri, tu as eu une passe difficile où tu venais souvent à la maison -une rupture, mais tu refusais d'en parler. On est devenues bonnes amies, enfin c'est ce que je croyais.

    Elle a levé la tête, vers moi, sourcils froncés, comme si j'avais les clés de son incompréhension, comme si j'allais m'empresser de lui dire "oui tu as raison, oui tout à fait, je t'adore, Corinne, ce n'est pas ce que tu crois !".

    Mais je suis démunie et immobile.

    J'attends de rentrer dans le mur. J'attends le choc. Je me dis que ça ne pourra que faire moins mal.

    -Et puis...

    Ça devenait difficile de parler pour elle et insupportable à écouter pour moi.

    J'attends le nid de poule sur la route mais je sais qu'il va crever mon pneu ; ai-je au moins pris la peine de remplacer ma roue de secours la dernière fois ?

    Je pense à ma Minnie rouge et je me dis que je devrais penser à poser des questions à propos d'elle...

    Ma petite compagne de voyage...

    -Et puis Naïa a disparu.

    Je me suis figée.

    Lapin pris dans les phares, je suis devenue attentive. Et livide.

    Je crois que je suis malade...

    Les freins ne marchaient plus j'ai pris le mur c'était prévu et c'est pas plus facile à avaler.

    La vache, ça fait mal.

    Maman, maman ma Naïa mon ancre dans la tempête, mon repère ; mon phare dans la nuit.

    Alors toi aussi, tu as pris le mur ?

    Je déglutis. C'est la deuxième fois que j'apprends ça.

    Ma voix est vide. 

    - Quoi ??

     

    Maéli


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  • -Je suis perdue, pourquoi j'aurais pu oublier plus ?

    Je fronce les sourcils. Je suis un radeau à la dérive, je suis à la merci de la tempête et de ses mots. Le vent souffle fort, ce soir.

    Je ne sais pas ce qui retiens Corinne, pourtant elle est mal à l'aise, je ne sais pas ce qui se passe, d'un côté ; et puis...

    -Parce que ça fait deux ans qu'on ne se parle plus.

    Elle ne me regarde pas.

    -Mais on ne se parle jamais !

    L'exclamation sonne presque comme une interrogation ; Corinne, tu es ma bouée, ne me coule pas.

    -On est devenues amies pendant que j'attendais Joachim. Tu venais ici chaque semaine.

    Corinne, c'est pas ta faute, mais y a un grand vide, en moi, un espace qui vient de s'ouvrir et il est blanc alors que j'avais écrit des choses il est blanc et il devrait être noircit il est mien mais on me la retiré ; Corinne, comment est-ce que ça a pu arriver ?

    -Et...?

    -Et...

    Corinne se racle la gorge, j'attends, pendue à ses lèvres et on entend Joachim qui crie "Mamaaaan !" de cette voix qui vous dit qu'il n'attendra pas longtemps avant de piquer une crise. Elle semble à la fois contrite et soulagée ; elle me fait signe de ne pas bouger, elle murmure "désolée, je reviens...", elle répond, plus fort :

    -J'aaarrive !

    Et la voilà qui quitte la pièce, l'air un peu fragile et assurée, parce que s'occuper de son enfant, elle sait faire ; mais retrouver quelqu'un sur son palier qui ne se souvient pas de votre amitié et de ce qui l'a brisée, c'est une autre paire de manches.

    J'étais à la recherche d'une nuit et voilà que je découvre qu'il manque deux ans.

    Deux ans ; un chiffre qui dégringole les escaliers et que je me prends en pleine face.

    Un vent souffle dans la pièce et je frissonne, je pense à Henri, à Corinne et au petit Joachim que je n'ai pas dû voir souvent...

    Les talons de ma belle-soeur résonnent dans le couloir, -j'ai toujours eu du mal avec ce mot "belle-soeur", ça me fait grincer des dents-, et la voilà qui se rapproche et se rassoit.

    Je me demande si elle va laisser le silence s'étirer, ou si elle va tenter de venir me repêcher, je me dis que je suis prête à entendre ce qu'elle a à dire, que ça ira ; je me dis que je ne devrais pas couler pour la vérité.

    J'ai souvent tort, vous savez.

    La vie aime contredire mes pensées.

    -Sophie, je doute d'avoir les clés à tes réponses, mais je sais ce qui a déclenché ton départ.

    Mon départ ?

    Elle souffle. Elle est lancée. Elle me dira.

    -En fait

    Mon téléphone a sonné, elle s'est coupée.

     

    Maéli

     


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  • -Sophie ?

    Corinne ?

    Elle est troublée, trop troublée de me voir...

    -Désolée je pensais prévenir et puis Henri m'a dit de venir et puis je me suis dit comme j'avais perdu ma Minnie rouge que je prendrais le bus et...

    Je m'embrouille je bafouille pendant que Corinne se recompose, elle a l'air au bord des larmes ; finalement, elle m'invite à entrer et je la suis.

    -Qu'est-ce qui t'amène ici ?

    Elle babille pendant que j'essaye de calquer l'image de cette maison avec le souvenir que j'en ai et c'est dur, dur ; pourtant, il ne m'échappe pas que Corinne se force à sourire, à paraître.

    Corinne, Corinne, mais dis-moi qu'est-ce qui s'est passé ?

    Qu'est-ce qui peut bien te mettre dans cet état-là alors que je te connais si peu ?

    Corinne prépare du thé, on s'installe, le silence se fait, petit à petit et je sais qu'il faut que je me lance, mais comment dire...?

    -Corinne, je sais qu'on se connait à peine mais j'ai un souci. 

    Je n'arrive pas à interpréter les expressions de son visage qu'elle affiche et qui défilent ; douleur ?  

    Je suis gênée si gênée devant cette femme que j'ai du voir trois fois et qui a épousé si vite mon frère et l'image de ce jeune garçon avec le même nez que Henri me trotte dans la tête. Je joue au puzzle avec ma propre existence...

    -Corinne, j'ai un trou de mémoire et il semble que tu es la seule qui peut m'aider à me souvenir.

    D'un coup, les traits de Corinne se lissent et se froncent comme une feuille de papier qu'on repasse et qu'on froisse. Corinne, je ne comprends pas ce mystère, aide-moi, aide-moi, ou je me noie...

    Corinne, tu es ma bouée, je commence à paniquer.

    -J'ai fait la fête hier soir, enfin je crois ou j'en suis presque sûre et je ne me souviens pas de ce qui a pu se passer et quand j'ai essayé d'appeler maman, elle ne répondait plus. Henri m'a dit de venir te voir.

    J'ai soufflé pour lever les yeux et voir ma belle sœur, le visage décomposé.

    -Sophie, tu as vraiment appelé Henri ?

    Elle a soudain l'air méfiante et un peu perdue.

    -Oui.

    Et moi, penaude.

    -Sophie, tu es sûr d'avoir oublié seulement ce qui s'est passé hier soir ?

     

    Maéli.


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  • -Henri ??

    Mon souffle s'accélère et je ne peux pas m'empêcher de le presser. Henri, tu comprends pas, mais y a cette tension dans mes muscles, je vais jaillir, de quelques pas, Henri tu comprends pas mais j'ai peur et y a cette pression dans mon corps dans mon coeur dans ma cage thoracique et si je respire plus vite, c'est parce que je suis terrifiée à l'idée que je puisse arrêter de respirer tout court.

    Il a soupiré.

    -Sophie, écoute... Va voir Corinne, elle ne travaille pas le jeudi, elle pourra répondre à toutes tes questions. 

    -Hhenri, je n'ai pas le numéro de Corinne ?

    Il y a eu un silence.

    -Si tu verras, tu l'as.

    Mon coeur a loupé un battement.

    -Tu me laisses comme ça, et tu m'envoies voir ta femme, que je connais à peine ?

    -Je suis désolé Sophie, je croyais que Corinne et toi vous vous entendiez bien. Je pensais... Ecoute, va la voir, elle est à la maison, moi je suis débordé, je n'aurais même pas dû répondre, mais c'était tellement étrange de voir ton nom sur le téléphone que...

    Il s'est repris, et je l'ai presque vu froncer les sourcils :

    -Ne fais pas attention à ce que je dis, petite soeur. Il faut que je raccroche. Salut.

    -Salut...

    Je suis sonnée par cette fin de conversation, je suis sonnée par ma gorge sèche, j'ai les jambes qui tremblent et je me dis que j'ai vraiment bien fait de m'asseoir.

     

    Je cherche ma voiture depuis. une. heure.

    Je viens m'asseoir sur les escaliers de l'immeuble, et je me demande ce qui a bien pu lui arriver. 

    Je rêêêêve... J'ai paumé ma super mini rouge ; j'en étais tellement fière.

    Les larmes me montent aux yeux quand je me dis que je ne semble même pas savoir qui je suis, le monde autour de moi n'est pas fixe, ce que je sais n'est pas certain ; et je ravale ma salive, on va aller voir Corinne et mettre de l'ordre dans tout ça.

     

    Le bus m'a déposé à quelques mètres de la maison d'Henri et de Corinne. Pendant deux secondes, je regrette de ne pas avoir prévenu Corinne, et puis je me dis qu'il est déjà trop tard.

    Je souffle. Sonne.

    Quelques pas et la porte s'ouvre.

    -Sophiiiiie ?

    Corinne a fait un pas en arrière, presque choquée en me voyant, la main sur sa bouche grande ouverte ; l'incompréhension s'affiche sur mon visage quand son expression de recul s'efface.

    -Mamaa ?

    Et puis un petit garçon, deux trois ans apparaît, accroché aux jambes de Corinne et je fronce les sourcils.

    Corinne avait déjà un enfant avant de se marier ?

     

    Maéli

    La suite la semaine prochaine ;)

     


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  • Ça sonne dans le vide, ça sonne dans le vide, ça s'éternise, ça m'étire... Ça me fatigue.

    J'ai les battements de mon coeur qui s'accélèrent ; que faire ?

    Je le sens mal, tellement mal, et je sais pas ce qui s'est passé cette nuit, je sais pas et si tout était lié ?

    Je m'assois sur le trottoir, j'ai la tête qui tourne et mon portable dans la main qui bip bip et qui me dit de laisser une message, mais j'ai la gorge sèche.

    Je passe la main dans mes cheveux et je me dis, OK, on oublie hier -comme si je m'en souvenais- et on prend la situation en main. T'es grande, nan ? Je flanche à peine quand je me rends compte que je n'ai pas d'idée précise de mon âge, c'est la nuit, je suis désorientée.

    Je souffle et j'appelle Henri. Je sais pas pourquoi, mais j'ai comme l'impression que ça fait longtemps que j'ai pas cherché à l'appeler. Et quand il décroche, je menace de m'effondrer en larmes.

    Sa voix est incertaine, à l'autre bout du fil :

    "Sophie ?

    -Henri !

    Et il y a comme un silence, mais je n'y prête pas attention, j'ai mon frère avec moi et tout ira bien. 

    -Qu'est-ce qui se passe, Sophie ?

    -J'arrive pas à joindre maman

    Ma voix est heurtée et "maman" à moitié mangé parce les sanglots manquent de m'étouffer.

    -Sophie ?

    Je m'inquiète, la tension remonte, je tremble comme une feuille ; et soudainement, peut-être que je ne veux pas savoir.

    -Tu vas bien ?

    Il a l'air aussi sacrément angoissé et j'ai presque envie de lui dire, "désolé Henri, j'ai encore fait des bêtises", comme quand j'avais 13 ans et qu'il en avait 16 et qu'on était persuadés qu'il pouvait me protéger de tout.

    -Henri, je me suis réveillée ce matin et je ne me souvenais pas de ce qui s'est passé, je ne me suis pas arrêtée, je ne voulais pas lui laisser le temps de soupirer, et j'ai voulu appeler maman. Et son téléphone ne réponds pas.

    Il a soupiré quand même, mais ça ressemblait à du soulagement. Je n'ai pas cherché à comprendre.

    -Sophie, je ne sais pas ce qui t'es arrivée, mais je crois que je ne vais pas t'apporter de bonnes nouvelles...

     

    Maéli

    La suite la semaine prochaine ;)


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