• Expiration.

    Silence.

    Coeur qui bat.

    Temps qui coule, s'étire, goutte.

    Temps qui me torture.

    Inspiration.

    Douloureuses secondes.

    Prière silencieuse à sa cage thoracique, soulève toi, soulève-toi.

    Murmure à son oreille :" je ne peux plus avancer sans toi, je t'en prie..."

    Silence.

    Larmes et douleurs.

    Mondes qui se troublent.

    Temps qui passent et ta vie qui sans va, Julian.

    Je ne peux pas te laisser partir comme ça.

    Bruits de pas lointains, bien trop lointains.

    Je suis sa dernière chance.

    Pensée qui me chamboule, me pousse à me lever, me pencher sur ses deux lèvres et souffler.

    Bizarrement, elles ont un goût salé.

    Je ne te laisserai pas partir.

    Souffle, longues secondes, massage, souffle, massage, massage et ta vie qui quitte la pièce sur la pointe des pieds...

     

    Maéli.


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  • Julian

    Mon coeur s'est-il arrêté ?

    Tout serait tellement plus simple à présent...

    Je vogue, divague et plane.

    Je tente de relever ma tête et baisse les armes ; je suis bien trop faible.

    Mon corps me démange, mes mains me tiraillent, ma respiration est hachée et mes poumons menacent de me lâcher. La frontière...

    Je la sens presque du bout de mes doigts chauds. Chauds car rouge sang.

    Je me refroidis, d'façon, mon coeur est en pierre diraient certains alors il ne me tiendra pas longtemps. Peu de temps à attendre.

    Chacun son heure, hein ? Un ricanement et des côtes qui me tirent.

    Mes membres me font regretter le moindre soupir, le moindre rire.

    Fumée, nuage, brouillard.

    Je sombre.

     

    Feuilles qui s'effritent sur des pas, pensées à Zoé, qui entraînent avec elles Elizabeth, la pierre qui roule, un semblant de baiser, surprises, déchirures, William... Sursaut.

    Le coma vaut mieux que ces pensées qui sont comme des cailloux qui dévalent cette pente qui s'ouvre sous moi.

    Mais qu'est-ce que je fais là ?

    Perdu, désoeuvré, à moitié mort.

     

    Pardon, Steven, pardon si j'tiens pas ma promesse.

    Désolé si j'ai pas su la rendre heureuse, pas su l'être à mon tour, si c'est l'fouillis, si j'te rejoins avant d'avoir fini, pardon mais la réalité ça devient trop dur à supporter sans toi, grand frère.

    Des souvenirs de sourires, de printemps, du temps d'avant, de ces moments que je garde en moi, comme entre deux feuilles de papier, pour me rappeler de l'odeur de ces instants, pour les conserver ; intacts.

    Déchirement qui vient de l'intérieur, je lève la main, ah oui, mon sang, c'est vrai, faut que je me bouge, mince, Steven.

     

    Des éclats de voix me parviennent, me ramènent de loin, loin loin, mes paupières se ferment....

    Je fouille, cette voix me triture la mémoire, cette voix...

    Elizabeth.

    Même à moitié mort, je la r'connais.

    Un soupir m'échappe, oh vie cruelle, si tu savais à quel point je rêve de t'étrangler...

    Pourquoi a-t-il fallu que je la rencontre ?

    Pas précipités, pensées saccadés, feuilles qui volent et vent qui caressent, mon sang s'en va et la vie qui coulait dans mes veines avec et je crois que je ne m'en fiche plus autant.

    Mon cerveau peine à démêler les paroles, les mots qui se heurtent, font le grand huit, les voix montent et descendent ; une dispute ?

    Un hurlement, distinct, un quoi qui me déchire les tympans, reste accroché dans ma poitrine et se refuse à en sortir. Il bat des ailes et me déchire les entrailles ; comment peut-il y avoir autant de douleur dans une syllabe ?

    Oh 'tite Elizabeth, laisse-moi te consoler...

    Et dans ma tête suivent cette pensée d'autres sensations qui se bousculent et me tirent des deux côtés, culpabilité, douleur, tristesse, Zoé, choisir, trahison, Steven, maintenant, demain, hier, c'est trop, je vais exploser ! 

     

    Le bruit qui vient par ici, ils se rapprochent, je ne peux même pas réagir, je décroche, je saisis un "oh mon dieu..." de mon Elizabeth et le monde tourne, tourne et je tombe.

     

    Elizabeth

    Il est là, à terre, à mes pieds, couverts de sangs.

    On dirait des blessures de guerres sur ces joues ; mais qu'est-il allé faire ?

    Son corps est parsemé de griffures, et ces mains...

    Je suis saisis d'une peur plus grande que tout, un vide s'ouvre en moi et le vent y souffle ; un vent glacial qui me fige. Mon coeur rate un battement, et je reste là, tétanisée.

    Jamais je n'oublierai.

    Willi s'est précipité, le souffle court, l'a pris, a tenté de le faire bouger, a grimacé ; et moi, j'étais là, plantée hors du temps.

    J'ai pris racine en ce sol.

    Willi m'a regardé, je crois qu'il a compris, il n'a pas paniqué, il m'a pris la main, regardé dans les yeux, a soufflé, fouillé et m'a dit :

    -Il est trop lourd.

    Et j'ai pensé : "Il va mourir."

    Mais j'ai prié "sauve-le."

    -Ne bouge pas de là, d'accord, veille sur lui, il ne vous arrivera rien, je t'en fais la promesse. Je vais chercher du secours, je fais au plus vite, promis !!

    J'ai hoché la tête.

    Ses deux inquiets m'ont fixés, ses lèvres ont mimé une réponse à une dernière question et je me suis retrouvée, seule, à deux mètres d'un être qui m'avait obsédée dès le premier regard. J'avais cru avoir appris à me passer de lui.

    J'ai fait un pas, comme s'il m'était inconnu, deux, à croire que j'étais une étrangère, un troisième, sans un bruit, comme si je me refusais à troubler son sommeil.

    Et, d'un coup, je me suis affaissée sur lui.

    Comme une poupée de chiffon, être sans consistance, j'ai coupé les fils qui me tenaient encore debout.

    J'ai enfoui ma tête sur son ventre, mes bras sur ses blessures, le monde s'est effondré quand mon corps m'a lâchée.

    J'ai commencé à pleurer sur ce corps presque sans vie ; comment le réchauffer ?

    Et les lèvres de Willi qui à cette question "comment ?" avaient formé ces mots : "tentative de  suicide".

    Ne me quitte pas.

    Un suicide ?

    "Nan, pars pas", un murmure que je lui renvoie et qui me vienne d'un autre jour, d'une autre détresse.

    Je suis sa dernière chance.

     

    Maéli.

     


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  • Pour la première fois, j'ai bien dormi.

    Je m'étire avec le soleil du matin et décide de sortir.

    A peine ai-je fait un pas à l'extérieur qu'une voix me lance, comme une provocation :

    -Miss Fantôme...

    Il affiche un sourire narquois accompagné d’une courbette.

    Le maître de l’ironie.

    Je le prends de court en lui rendant sa courbette :

    -Seigneur Willi..

    Il a eu un sursaut avant de me lancer un regarde noir :

    -Hors de question. C’est moche Willi.

    Il a croisé les bras, boudeur.

    -Et puis, j’ai l’impression d’avoir quatre ans.

    Je vous jure que personne n’aurait pu décrocher mon sourire !

    Je lui ai fait le regard le plus charmeur que j’ai pu avant de lancer :

    -Tu m’emmènes manger, Williiii ??

    Il est soudain devenu grave.

    -Tu devrais arrêter, Miss Fantôme.

    J’ai haussé un sourcil.

    -Tes pouvoirs sont trop grands. Je crains de ne pouvoir y résister.

    J’ai baissé le regard, rouge comme le soleil couchant.

    Qu’est-ce qui me prend ?

    Mon père m’a toujours dit « le charme d’une femme est l’arme la plus dangereuse qui soit ».

    Et moi…

    -Allez-viens, Elizabeth, on y va.

    Il m’a gratifiée d’un clin d’œil complice.

    -Je ne voudrai pas me faire manger par un Fantôme affamée.

    -T’as raison, ne prend pas de risques.

    Je souris tellement que je me demande si je ne vais pas finir par rester coincée ; mais au fond je prie pour que ça ne s’arrête jamais.

    Will m’emmène jusqu’à une place circulaire avec des tables en bois disposées de-ci de-là et m’explique que dans la communauté, le travail est partagé équitablement et que celles qui aiment cuisiner sont dans les cuisines, un bâtiment qui ressemble à une grange ; et que c’est à elles qu’il faut que je m’adresse si j’ai faim. Ses yeux brillent quand il me dit qu’elles aiment tellement ce qu’elles font qu’elles restent généralement la journée devant leur fourneau.

    Il ajoute que je devrai bientôt travailler mais que je n’ai pas à m’en faire.

    -Je serai toujours là si tu as besoin Miss Fantôme.

     

    Les jours suivants se sont passés comme identiques à celui-là.

    Pleins de sourire, dans ma petite bulle, avec Willi qui me fait découvrir son monde.

    Sans embûches, obstacles ou quoi que ce soit qui puisse me rappeler une ancienne réalité et ma malédiction.

    Aussi, peut-être parce que je ne l’ai pas revu.

     

    Jusqu’à ce jour.

    Will est arrivé, le front plissé par les soucis. Plusieurs jours qu’il me revient comme ça du Conseil.

    Parce que oui, il travaille au Conseil.

    -Qu’est-ce qui ne va pas Will ?

    Il a sautillé, ma gratifié d’un sourire moqueur, mais ses yeux n’ont pas souri :

    -Tu ne m’as pas appelé Willi !!!

    Et c’était reparti.

    -Seconde victoire dans le duel Miss Fantôme vs Willi. Va falloir se réveiller, Elizabeth, ou je vais te mettre la pâté !!

    Il tente de faire bonne figure mais je sais que ce n’est pas mon Willi qui est devant moi.

    Il a la tête ailleurs.

    -Will, dis-moi ce qui ne va pas.

    Il a baissé le regard.

    Will, ne fais pas ça, ne me fuis pas.

    Je t’en prie.

    -Allons-nous promener.

    -Non, Will. J’ai besoin de savoir.

    Et d’une toute petite voix, j’ai lâché :

    -C’est chez moi, ici maintenant.

    -Viens ! Tu sauras, mais suis-moi.

    Sa voix devenue glaciale m’a frigorifiée.

    Jamais Will ne m’avait parlé ainsi.

    Je lui ai emboité le pas. Le silence pèse et je voudrai être seule. Me voilà prise par une envie de pleurer. Violente, impossible de lutter.

    Longtemps nous marchons, nous nous enfonçons dans les bois.

    D’un coup, je me suis arrêtée et recroquevillée. Will ne devait pas me voir pleurer.

    Will m’avait blessée.

    Croit-il que je n’entends pas les murmures sur mon passage ? Les gens qui se retournent, certains regards méfiants ? Croit-il que je n’ai pas compris que l’on parle de moi ??

    Ne sait-il pas qu’il est la seule personne qui est jamais compté pour moi ?

    A cette pensée, l’image de Julian est entrée, elle a forcé mes barrages, pris d’assaut ma forteresse et les larmes ont déferlé.

    Aucun barrage n’aurait pu les retenir.

    Deux pas. Deux mains qui tentent de pousser les miennes et ma voix :

    -Va-t-en !

    -Nan.

    Il s’est assis à côté de moi.

    -Je t’ai dit de t’en aller !

    -Mais je le ferais pas.

    -Et pourquoi ??

    Il a soufflé.

    -Parce que c’est de ma faute, Miss Fantôme.

    J’ai levé la tête pour le regarder.

    -J’prends pas assez soin de toi, Miss Fantôme.

    J’ai fait non de la tête et lâché :

    -Dis pas de bêtises, Will. J’ai besoin de personne.

    Un éclair de douleur est passé dans ses yeux et j’ai attendu la foudre mais il n’a fait que dire :

    -Dis pas ça, Elizabeth, dis pas ça. On n’est rien sans les autres. Pardonne-moi, Miss Fantôme.

    Il m’a pris dans ses bras et je me suis remise à pleurer.

    Je peux plus m’arrêter. C’est comme un ruisseau qui déterre tout ce que j’avais minutieusement enterré ; toutes ces années derrière le Mur, la pauvreté, la perte de mon seul allié, mon père, et puis Julian, Will et ce monde si dur.

    -Eh ben.. Miss Fantôme, c’est quand la dernière fois que t’as pleuré ?

    -Je m’en souviens pas. Tout est resté là, je lui ai montré mon cœur.

    J’ai reniflé, j’ai bien chaud dans ses bras, avant de lui demander :

    -Et toi, Willi ?

    -Le jour où j’ai compris que j’étais coincé derrière ce Mur et que j’avais perdu mon meilleur ami.

    Le silence a emplit l’air et il m’a dit, droit dans les yeux :

    -Elizabeth, je ne veux pas te perdre. Alors, je vais tout te dire ; mais lève-toi, Miss Fantôme sauf si tu rêves de te transformer en glaçon.

    Willi m’a tendu la main pour m’aider :

    -Votre chevalier servant.

    Je l’ai gratifié d’un petit sourire :

    -Miss Fantôme pour vous servir.

    -Arrête toi t’es plus Miss Fantôme aux Mille Caprices.

    -Maiiiiiiiiiiiiiis euuuh je t’interdis !!

    Et il a commencé à courir en riant pour esquiver mes coups.

    -Attention à toi si je t’attraaaaaaaape je t’étripe !!

    Envolées mes larmes, disparus cette atmosphère qui nous pesait.

    Puis, Will a stoppé, nous sommes revenus sur le chemin et il a lâché :

    -Tu vas peut-être rentrer.

    Je suis restée stupéfaite.

    -Mais Zia avait promis à Julian…

    Il a ricané.

    -Les promesses de Zia ne valent rien. Elle a anéanti Julian avec leur rupture. Il n’est pas en état de te défendre correctement.

    -Et les autres ?

    Il m’a observé, triste.

    -Tu sais, nous sommes sur le pied de guerre. Nous pensions déjà que les Patrouilleurs ont réussi à nous localiser et Zia est persuadée que tu es leur espion. Alors, à l’heure où nous nous préparions une stratégie et où le pouvoir de Zia se renforce sur le Conseil, ton arrivée est mal tombée.

    -Et toi ?

    -Je fais ce que je peux, je te promets. Je vais y arriver. Mais si seulement Julian pouvait m’aider…

    Nos pas frappent le sol, doucement, d’un même pas et nos esprits pensifs comblent le silence.

    -Il a disparu depuis quatre jours.

    J’ai fait volte-face :

    -Quoi ?!?

    Will m’a dévisagée. J’avais hurlé.

    Mon cœur bat à cent à l’heure.

    -Je ne veux pas rentrer chez moi, et s’il est notre seule chance…

    Je m’en veux je m’en veux je m’en veux.

    C’est pitoyable de se justifier.

    Mais ça a allumé une lueur dans les yeux de Will qui suffit à réchauffer mon cœur et chasser mes scrupules.

    Puis Will s’est figé.

    Il a pâli, d’un coup et j’ai pris peur.

    J’ai suivi son regard.

    Oh mon Dieu…

     

    Maéli.


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  • La transparence monte, monte monte.

    Je cours tellement vite que les arbres sont flous et je frotte mon bras, pour tenter de faire disparaître cette tache qui signe ma fin, mais elle veut pas partir, elle s’accroche, elle s’étend.

    Pourquoi est-elle si pressée ?

    La panique s’est emparée de moi depuis que j’ai commencé à comprendre. A me souvenir qu’on m’a  maudite ; c’est ironique, hein, j’ai failli oublier.

    Les paroles de la prêtresse qui accompagnent la malédiction sont celles-ci :

    « Le jour où tu te perdras, si la folie t’emporte, si tu perds tout sens ; si tu perds la tête, tu viendras à disparaître à tes propres yeux.

    Ainsi ta condamnation au bûcher sera prononcée. »

    Chaque fois, la malédiction est différente, mais la sentence, identique.

    Et ma fin approche, je disparais, à chaque pas je m’efface, je trébuche, la respiration heurtée, je ne vois plus mes bras, je me gratte gratte, je la sens monter cette transparence qui s’attaque à mon cou et à ma poitrine.

    J’ai peur.

    Non, en fait, je suis terrifiée.

    Terrifiée de finir en âme errante, incapable de retrouver sa place dans le Ciel parce que j’ai été maudite.

    Et je file dans cette forêt pourchassée par une malédiction qui me colle à la peau et qui refuse de se détacher.

    D’un coup, deux mains m’empoignent, m’attrapent par la taille, il se jette sur moi, nous tombons, nous roulons dans les feuilles d’automne, le monde est rouge et moi je me gomme de cette Terre, je vous en prie.

    On heurte un tronc, et, tout s’arrête.

    Il m’écrase, j’ai la tête qui tourne et je décide d’ouvrir les yeux.

    Un cri m’échappe.

    Son regard bouleversé croise le mien et je vois un monde en miettes et des questions qui lui vrillent la tête. Mon cœur chavire.

    Il pose sa tête contre mon cou, le temps de deux secondes.

    Mon cœur bat bat bat.

    Il emplit l’air, il gonfle.

    Il est comme un oiseau qui bat des ailes et qui s’apprête à s’échapper de ma cage thoracique.

    Et, comme un murmure du vent, la voix de Julian dépose au creux de mon oreille : « Pars pas ».

     

    D’un coup, il se lève et par en courant.

    Mais peu importe car, doucement,  la plénitude m’emplit.

    Son murmure aurait pu ne jamais exister mais me voilà apaisée.

    Je suis bien en vie.

     

    Mon compagnon de cette soirée se jette à mon côté, dérape sur les feuilles, m’attrape les bras et j’ébauche un sourire devant sa surprise.

    Il se gratte la tête :

    -Va falloir qu’on m’explique. Maintenant, tu réapparais.

    Il a l’air sincèrement embêté. Je lance, moqueuse :

    -Faudra t’habituer.

    Un sourire traverse son visage et je remarque ses deux beaux yeux bleus :

    -Première victoire. J’ai réussi à arracher deux mots à une fille fantôme.

    Je le fusille du regard.

    -En plus, elle mord.

    Il rigole et j’ai envie de lui sauter dessus et de l’étrangler.

    D’un coup, il a repris son sérieux et m’a tendu sa main :

    -Will.

    Je l’ai prise pour me relever.

    -Vaillant chevalier, éternellement vôtre, miss fantôme.

    Il a esquissé une révérence évitant du même coup mon poing.

    Il a commencé à marcher et je l’ai suivi.

    J’allais pas rester là.

    -Comment dois-je vous nommer, très chère ?

    Comment un gars pouvait-il être aussi bizarre ?

    D’un coup, il vous débitait toute sa vie à la vitesse du vent les jours de tempête et l’autre il vous parlait comme à une dame du XVème siècle.

    J’ai haussé les sourcils.

    -Pas convaincue ?

    -Non.

    -Tu t’appelles comment ?

    J’ai eu un trou de mémoire.

    Je me suis recroquevillée sur moi-même.

    Je ne me souviens plus de mon prénom.

    Will me regarde, intrigué et moi, je lui rends son regard, affolée.

    -Tu vas pas recommencer à disparaître, hein ?

    Et j’éclate d’un rire cristallin, je crois que ce mec est complètement dingue mais je m’en fous.

    -Non.

    Et comme un éclair, il m’est revenu.

    -Je m’appelle Elizabeth.

     

    Maéli.


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  • Un sourire amer a fendu le visage de Zia.

    Les yeux de Julian se sont écarquillés brusquement, il m'a poussée, violemment, avec ses deux mains et je me suis renversée sur le sol. J'ai heurté la terre battue en un bruit sourd qui a résonné dans mon coeur.

    Il s’est amplifié, amplifié jusqu’à ce que j’ai l’impression qu’il allait exploser.

    Et, devant moi, Julian se décompose, son visage se fissure, sa mâchoire qui se décroche creuse de gigantesques failles pareilles à celles qui doivent ébranler son cœur.

    Zia a laissé tomber dans ce silence horrifié d’une voix pleine de mépris :

    -Alors, c’était ça ??

    Le masque de Zia a laissé passer un sourire triste avant qu’elle ne se reprenne immédiatement et lui dise, pleine de colère :

    -Hein ??

    On lit dans ces yeux une colère prête à déborder.

    Ses lèvres tremblent.

    Le temps a rempli qui vase qui va se déverser, et la tempête née dans le cœur de Zia s’apprête à tout détruire sur son passage.

    -Ça y est. Ça y est, Julian.

    -Nan, Zia, ça n’y est pas !! Tu te souviens ??! Jamais !!

    Elle l’a regardé comme s’il était le dernier des idiots.

    -Mais Julian, tu n’as jamais compté tenir tes promesses, non ?

    Et là, j’ai cru que Julian allait s’effondrer.

    Zia a respiré, goûté le silence, savouré le risque et la douleur causée par ses paroles ; a palpé du bout de la langue la saveur de ses paroles osées et encore jamais prononcées.

    Elle avait sorti son arc et elle était prête à tirer.

    Elle le connaît trop pour ne pas savoir où viser.

    Zia est une guerrière aguerrie et impitoyable. Peu importe que son adversaire soit à terre, ou qu’il soit l’homme qu’elle aime, elle l’achèvera.

    Et Julian est sa nouvelle proie.

    Elle ne s’est pas privée d’enchaîner, plus sûre d’elle :

    -J’ai toujours su que ce jour arriverait, Julian. Des mois que tu m’oublies dans ta tristesse. Ton cœur est en pierre. Et tu sais quoi ?? Je t’ai aimé. Mais si on en est là maintenant, c’est de ta faute. Tu n’as jamais été à la hauteur !! Et tout le monde le sait.

    Zia a tourné les talons, sa robe légère a tourbillonné avec elle dans son élan. Elle est partie, emportant les derniers lambeaux d’espoir auxquels s’agrippait Julian.

    Il y a eu un long silence.

    Seuls les battements de mon cœur comblent le silence.

    J’ai l’impression que mon cœur court, court, qu’il tape contre ma cage thoracique, qu’il est à deux doigts de la briser, qu’il est prêt à s’échapper ; fuir à la douleur.

    Je n’aurais pas dû être témoin de cette scène.

    Une petite voix me murmure « bien fait pour lui ! » pendant que le reste de mon être joue la caisse de résonnance à sa souffrance.

    J’aurais voulu ne jamais croiser son regard quand il s’est retourné.

     

    Il s’est levé.

    Et il est parti.

    D’un pas mal assuré, comme s’il avait trop bu ou que le vide en dessous de ses pieds lui avait donné le vertige, il a marché sur mon cœur et passé le pas de la cabane.

     

    Tout n’était qu’un rêve.

    Ou un cauchemar.

    Cette fausse réalité allait éclater d’ici deux minutes, j’allais me réveiller dans la forêt, toutes ces dernières explosées dans ce clignement de paupières où j’ouvrirais les yeux.

    J’aurais donné n’importe quoi pour que ça arrive.

     

    Le soir, une petite fille est venue.

    La peau mate, de splendides cheveux couleur nuit, lisses, m’a prise par la main, et sans un mot m’a conduite à ce qui doit être le centre du village.

    Des gens souriant, riant, parlant, sont rassemblés autour d’un feu. Ils mangent, ils échangent leur journée.

    « Je ne suis pas de leur monde ».

    Mon cœur s’est serré.

    Un cœur en haillons qui s’émiette à chaque fois que je pose le pied sur le sol. Je rêve de posséder leur vie, mais je n’ai rien à faire là.

    Il me semble que j’ai fait assez de dégâts.

    Je me suis assise sur le sol, en tailleur, comme eux, un peu à l’écart.

    Là où l’on pourrait oublier ma présence, que je puisse m’effacer de ce monde, puis me noyer dans la douleur.

     

    Je mange en silence.

    Le vide en moi joue à cache-cache, j’ai joué à pile et face, que voulez-vous j’ai perdu, j’aurais pas dû, nan j’aurais pas dû rester.

    Il a fallu qu’un garçon me repère, et vienne s’asseoir à côté de moi.

    Je ne le vois pas dans le noir, mais quand il a commencé à parler j’ai cru que j’allais me taper la tête contre un rocher.

    « C’est pas possible… » 

    On veut être tranquille et voilà ce qu’on se coltine !!

    Comment est-ce possible de dire autant de choses inutiles à la seconde ?

    Je ne l’écoute que d’une oreille, sa voix est douce, cadencée, presque pressée ; ce que je refuse de m’avouer c’est que je cherche du regard quelqu’un que je n’ai pas trouvé.

    Depuis que j’ai posé mes fesses sur le sol, le soleil s’est couché, les conversations taries, le repas fini et il n’est toujours pas apparu.

    Son absence oppresse mon cœur, comme une pièce qui se refermerait à chaque seconde qui file sous les mots de cet étrange compagnon.

    Sa présence n’empêche ni la douleur ni le sentiment de solitude de me coller aux basques, mais peut-être devrais-je le remercier de combler le silence, de tenter de recoller les p’tits bouts de sens qu’il me reste et d’en faire un puzzle.

     

    Et quand les gens ont commencé à se lever, il est arrivé.

    Tremblant, plein de sueur, le regard perdu, presque fou, mais il était là.

    Mon regard a glissé sur son corps.

    Et j’ai vu ses avant-bras.

    Entourés de deux grands bandages rouges.

    J’ai mis ma main devant la bouche presque sûre que j’allais vomir, jamais je n’ai pu supporter la vue du sang.

    Et mon voisin a lâché d’une voix tendue :

    -Ça fait quelques minutes que je t’observe et euh.. fais gaffe parce que tu disparais.

    Au même instant, j’ai croisé le regard horrifié de Julian.

    Coup de poignard.

    Je suis partie, propulsée par une force inconnue, j’ai filé plus vite que les comètes dans le ciel, le cœur battant la respiration haletante.

    Je disparaissais, je disparaissais, je disparaissais…

    J’allais mourir.

    Je revois son regard.

    Coup de poignard.

    Déjà, je ne vois plus mon bras, droit ni ma jambe gauche.

    Tout a perdu son sens ; où vais-je ?

    Ces yeux…

    Coup de poignard.

    Derrière moi, j’entends deux jambes courir et je prie pour que ce soit Julian, qui vienne m’aider, qui m’accompagne pour mon dernier voyage ; mais c’est la voix de mon compagnon qui hurle :

    -Calme-toi !! Surtout, ne panique pas !!

    Je vois la transparence progresser, elle monte jusqu’à mon épaule, non non non !!

    J’ai un frisson d’horreur.

    -Je t’en prie !! C’est la seule façon de te sauver !!

    Mais mon cœur était comme un cheval parti au triple galop, impossible de l’arrêter, et ma raison affolée et fissurée par tant de coups refuse de m’obéir…

    Je vais mourir.

    Maudite, coupable d’avoir brisé deux personnes, ingrate et sans avoir jamais dit au revoir à personne, sans jamais avoir dit merci, ou même su aimer quelqu’un comme il le méritait.

     

    Maéli.

    Alors ? ;)


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  • Peut-être ai-je perdu le fil ou alors me suis-je endormie ; mais me voilà allongée sur un sol de terre battue à cligner des paupières pour revenir à moi.

    Je me relève d’un coup, prise de panique ; le cœur battant.

    Serais-je revenue chez moi ?

    Je jette de coups d’œil furtifs, mais non ; mon cœur se calme, mon souffle se fait plus silencieux, me voilà en terre inconnue. Et bizarrement, cette pensée me rassure.

    Lentement, je pivote ma tête à droite et me fige.

    La silhouette que mon œil avait à peine saisie lors de ce coup de panique se dessine plus précisément. Je suis ses cheveux bruns ébouriffés, certainement pas coupés depuis quelques mois, sa nuque ou perle des gouttes de sueur, son sweat qui a dû un jour être vert mais qui est devenu gris…

    -Ah.. Tu es réveillée.

    La chaleur est montée, d’un coup, à mon visage, m’a enflammée, ravagé mon cœur ; sans que je puisse lutter. Je suis affreusement gênée, pendant qu’il me balaie d’un regard perdu qui se fixe sur mon visage.

    -Ça va ?

    Je me tais, je ne veux pas répondre.

    Je repense à Zia.

    Je ne peux pas le laisser engager la conversation, le laisser m’enchaîner à lui alors qu’il appartient à Zoé, alors que je brise ce qui reste du lien qui les unit.

    Je ne peux pas accepter de mettre en danger qui que ce soit par le seul fait que j’ai failli me noyer et que j’ai besoin d’aide.

    Je ne peux pas permettre qu’une autre fille soit maudite à cause de ma disparition.

    Je ne peux pas rester, c’est simple.

    Je vais faire honneur à ma famille, rentrer chez moi la tête haute, et tout faire pour tenir le plus longtemps possible.

    Je me suis grattée la gorge et j’ai lancé, dans ce silence, une phrase qui deux heures plutôt m’aurait semblée folle, si folle :

    -Je dois rentrer.

    Il m’a lancé un regard surpris.

    -Pourquoi ?

    -Je ne peux pas rester.

    Il a semblé deviner :

    -Tu as entendu ce qu’a dit, Zia, hein ?

    J’ai haussé les épaules.

    -Peu importe, non ? Ce qui compte, c’est qu’elle ait raison et que je doive quitter cet endroit au plus vite.

    Il a planté ces yeux dans les miens, et c’est à ce moment-là que tout a changé.

    Le moment où j’ai plongé mes yeux dans les siens et que j’ai su qu’à jamais je serai prisonnière de ce regard.

    Deux yeux verts, pour voguer à jamais sur l’infini du monde, hors de temps.

    Deux yeux couleur émeraude, couleur des étendues d’herbes, couleur de la mer dans ces journées de tristesse.

    Deux yeux qui m’ont pris et qui ont refusé de me ramener sur le rivage.

    -Tu ne tiendrais pas deux jours.

    Mais pour qui il se prenait ?

    -Ah bon ?

    -La nature est trop sauvage par ici. Nous sommes loin de là la clôture ; trop loin si tu veux espérer y parvenir avant de mourir de faim ou de soif.

    J’ai levé les yeux au ciel.

    -Ce n’est pas ça qui m’arrêtera.

    -Même pas la mort ?

    -Tu sais, je suis maudite, mon compte à rebours a perdu quelques dizaines d’années ; alors pourquoi pas en perdre quelques autres ?

    Je l’ai pris par surprise. J’ai profité des quelques secondes qu’il a mis pour avaler ce que je venais de lui dire pour me lever.

    Il m’a attrapée par le poignet pour me forcer à m’arrêter.

    Je me suis retournée pendant qu’il me disait :

    -Zia avait tort. Tu ne peux pas t’offrir en sacrifice sous prétexte que d’autre vont peut-être mourir.

    -Eh bien si.

    -Si tu étais morte, il y a deux jours ; si je n’avais pas plongé pour te sauver, que penses-tu qu’il serait arrivé ?

    Je suis restée sans voix.

    Que puis-je dire ?

    « Je vais faire honneur au fait que tu m’es sauvée en allant mourir » ? Ce serait ridicule.

    J’ai soufflé.

    -Tu proposes quoi ?

    -Tu t’installes ici. Dans notre village.

    -Et après ?

    Je me suis assise et l’ai vu baissé les yeux.

    -J’en sais rien.

    J’allais me relever aussi sec et lâcher un dur : « Je serai certainement plus utile derrière la Grille qu’ici. Au revoir. » quand j’ai lu sur son visage beaucoup de doute. Et de douleur.

    Et c’est ça qui m’a retenue.

    Aussi incroyable que ça puisse paraître.

    -Zia..Zia et moi, on est arrivés ici des rêves pleins les poches et du bonheur qui débordait de nos cœurs ; on était prêts à tout pour faire changer les choses. Je me rends compte à quel point on aurait fait n’importe quoi pour sauver la moindre vie. On avait tellement de projets… L’avenir nous semblait radieux quelles que soient les épreuves qui nous attendaient.

    Il s’est tu et j’ai regardé le sol.

    Le voir se souvenir de ces instants enrobés d’un bonheur enfui me faisait trop mal.

    Trop d’échos en moi résonnaient sur la même fréquence.

    -Le temps a passé. On a fait ce qu’on a pu, mais ça n’a pas suffi ; on a enchaîné les désillusions. On a construit quelque chose de grandiose mais à côté de tout ce qu’on a donné et ce qu’on espérait, c’est si peu…

    Un ange est passé et l’air s’est rempli de douleur.

    Il m’a regardée et, timidement, mon regard a osé croiser le sien.

    L’air était devenu électrique, mon cœur battait à cent à l’heure, la pièce allait exploser.

    C’était comme si l’air se compactait, au minimum et qu’elle s’apprêter, à d’un coup reprendre sa taille. Reprendre sa taille, tout faire exploser, nous emporter, nous consumer.

    Je me noyai dans l’océan de la douleur que je lisais dans ces yeux. Comment peut-on souffrir autant ?

    Il se penchait, dangereusement.

    Mes mains me démangeaient, je voulais le toucher le toucher, j’en avais besoin. C’était comme si, si je ne le touchais pas, j’allais mourir.

    J’étais une flamme et il était mon oxygène ; encore inatteignable.

    Ses lèvres allait frôler les miennes quand Zia a ouvert la porte de la cabane.

     

    Maéli.

    Ps : La suite d'Apocalypse avant jeudi et un texte pour fêter les 100 visites cette semaine, ça vous dit ?? ;)


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