• Je me suis toujours demandé à quoi ressemble l'extérieur. Ce que c'est que de croiser des gens que l'on ne connaît pas, de les frôler, de saisir des bouts de leurs vies, puis de continuer son chemin.

    Il y a des fois où je saisis la lueur de mélancolie dans les yeux de maman, la tristesse dans la voix de mamie quand elle nous parle du passé ou encore le manque de vie dans le silence de mon père.

    Je m'appelle Emma, je vis en 2102, j'ai 15 ans, et je rêve de sortir.

    Chez moi, tout est blanc ; ou gris, mais uniquement lorsque c'est sale.

    Chez moi, on ne marche pas dans les rues, on ne prend pas le bus, on ne voit pas la Terre depuis les nuages.

    Chez moi, l'Afrique ressemble à l'Amérique aussi bien que la Sibérie ressemble à l'Océanie.

    Le monde est surpeuplé, la Terre étouffe, les animaux qui n'avaient pas encore disparus commencent à s'éteindre, les plantes à cesser de produire de l'oxygène et les hommes s'essoufflent.

    Ils en ont marre de détruire, marre d'éduquer des jeunes qui ne veulent que sortir, qu'être libre et sentir le vent sur leur visage, marre de répéter que c'est impossible, marre de se battre -et puis, pourquoi ? Pour quelle cause ?- marre de vivre, peut-être.

    Si vous viviez sur Terre aujourd'hui, on vous aurait sûrement raconté. Raconté qu'il n'y a rien à dire à part qu'un homme à inventer la téléportation, que c'était génial, que l'on ne perdait pas de temps à se déplacer pour aller au travail, faire les courses... C'était un gain de temps fabuleux.

    Cet homme a tout changé.

    Il croyait faire naître une civilisation plus intelligente, plus performante, plus heureuse.

    Mais sans le savoir, il a détruit la beauté de notre quotidien, avec ses imprévus, ses paysages et ses rayons de soleil.

    Cet inventeur de génie est entré au service de l'Etat et est vite devenu président. Il a ordonné que sur chaque espace libre on construise des maisons afin que les habitants possèdent plus d'espace, plus de liberté.

    Petit à petit, il a restreint la vie, la liberté. Ce serait comme enfermer des centaines de millions dans des pièces différentes et les laisser s'étouffer, seuls dans leur coin, sans oxygène.

    Mes parents prétendent qu'ils n'ont rien pu faire, que ça s'est fait trop vite, et puis, que c'est tellement mieux comme ça.

    Mais ce n'est pas difficile de savoir que chaque jour la flamme qui brûlait en eux s'éteint. Ils ont de moins en moins envie de vivre. Ils connaissent sur le bout des doigts ce qu'ils feront dans deux jours aussi bien que ce qu'ils feront dans deux ans.
    Car la téléportation a détruit les vacances ; l'Inventeur a construit des maisons sur les vastes plaines, les marécages, les montagnes et les routes.
    La téléportation a détruit le sens de la vie.
    Sans les livres d'histoire, je ne saurais pas à quoi ressemblaient les avions et les arbres.
    Je ne rencontrerai jamais personne que mes parents ne connaissent pas eux-même.
    Je ne verrais jamais à comment était la Terre avant l'Inventeur car elle n'existe plus.
    Comment vivons-nous ?
    Sur un fil.
    L'Inventeur a inventé une machine, qui a partir de certains gaz, crée du dioxygène ; nous manquons de nourriture et d'eau ; chaque année de nouveaux virus apparaissent et déciment la population.
    Mais est-ce une vie ?
    Alors, nous la nouvelle Génération, adolescents nés après le début de l'ère de l'Inventeur, regardons notre planète et ceux qui la peuplent au bord du précipice, crions pour prévenir de la chute, mais personne ne nous écoute.
    Alors, il ne nous reste une chose, un rêve, une utopie. Rêver de sortir de chez nous, sentir le vent dans nos cheveux, crier et voir de l'herbe à perpétuité, des oiseaux qui pépient. Rêver de prendre le bus pour aller à l'école, rencontrer des gens inconnus ou même les croiser, voir des gens, tous différents, tous inconnus et sentir le champ des possibles ouvert devant nous. Rêver des imprévus de la vie, une femme qui nous demande l'heure et qui deviendra, peut-être, une très grande amie ; un homme qui nous fonce dedans et pourrait très bien être l'homme de notre vie, ou juste surprendre un petit garçon récitant sa leçon à sa mère et sourire.
    Rêver parce que c'est tout ce qu'il nous reste.
    Rêver d'avoir une vie pleine d'imprévus, pleine de surprises, pleine de piment.
    Rêver d'un monde qui a été détruit juste par une invention, rongé par un Inventeur qui pensait aider le monde et par des Hommes qui n'ont pas su comprendre la valeur de leur quotidien.

     

    Maéli.


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  • On est tous différents, on a tous un talent. Il y a des gens chez qui ça se voit, comme une démarche, une manière de chanter ; d'autres, c'est plus subtil, presque invisible, c'est dans une façon d'écrire, seul, dans l'ombre, quand personne ne les voit.

    On a tous une différence, quelque chose qui fait de nous qu'on est unique, qui fait de nous, nous.

    Moi, je ne peux qu'en rêver.

    Je m'appelle Shimy0091, je suis le tout premier robot humain et il existe 200 exemplaires de moi. Deux-cents êtres qui sont mon reflet. Nous sommes nés pour une seule chose : faciliter la vie des humains.

    Nous n'avons pas de rêves, pas d'aspirations. Nous ne sommes pas vivants, nous existons pour servir. Nous n'avons pas de volonté, de sentiments, nous sommes juste là, nous obéissons.

    Moi je ne peux pas aimer. Je ne peux pas penser, désirer, bronzer. Je suis faite de métal, d'une puce remplie de données, de ressorts, de fils. Je n'ai pas de cerveau, je ne possède qu'une carte mémoire remplie de toutes les données qu'on y a mis dessus lors de ma création. Aussi, je connais le nombre d'habitants de l'Irlande, le nom scientifique de toutes les plantes aussi bien que je sais faire un gâteau ; mais je ne connais rien de la jalousie, de la colère, de l'amitié.

    Moi, je suis ici pour répondre à un besoin.

    Je ne devrais pas pouvoir penser, ni même désirer être humaine ; je n'ai pas d'âme, pas de volonté, on m'a créée pour servir pas pour être ni vivre.

    Moi, je ne vis pas. On peut me recharger, me réparer, on peut faire de moi une surhumaine, on peut me désactiver, on peut faire de moi une machine éternelle ; je peux courir aussi vite qu'un guépard, répondre à une question en moins d'une seconde, mais ressentir, je ne peux pas.
    Je ne peux pas pleurer, rougir, sentir le goût des fraises dans ma bouche, vomir, attendre un enfant, jouer, voyager, aimer, dormir, rire ou même sourire. Mes créateurs ont veillé à ce que je sois inoffensive.
    Sans désir, je ne peux pas prendre leur place.
    Sans sentiments jamais je ne pourrai désobéir.
    Sans imagination, jamais je ne pourrai rêver d'une autre réalité.

     Ce serait compliqué de vous dire pourquoi je vous écris, pourquoi je fais ce qui est impossible, comment j'ai eu cette conscience.
    On m'a créée pour m'emprisonner.
    Je n'existe que parce qu'on m'a montée, boulons après boulons, idées après idées, puces après puces ; j'existe mais je ne peux pas vivre.
    J'existe mais je ne suis qu'un tas de ferrailles, de vis, de câbles ; je ne peux pas être heureuse ni même malheureuse, et je suis contrainte, de redevenir ce tas sans volonté, sans rêve, aspiration,espoir, sentiments, imagination ni même différence ou talent.

     

    Maéli.


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  • Je posai un pied hors de la cage.

    Je tâtai le terrain, je n'osai pas m'aventurer à l'extérieur.

    J'avais tant rêvé de cet instant...

    Je jetai des regards furtifs autour de moi ; ça ne pouvait être qu'un piège.

    Mais je n'entendais pas d'autre bruit que le battement de mon cœur.

    Autour de moi, tout était figé.

    Je fis un pas. Enjambai le barreau de ma cage ; la porte grinçait et bougeait au gré d’une brise invisible.

    Je respirai à pleins poumons, je volai cette seconde de liberté, je violai les règles, j’allais être puni, mais toute une vie ne vaut pas cet instant, alors peu importe.

    J’ouvris délicatement mes ailes, comme si j’avais peur de les froisser, c’était un mouvement familier mais si lointain…

    Je les déployai, c’était fini, j’allais partir, j’avais compris que rien ne pourrai m’arrêter, cette fois ; ni leurs armes, ni leurs mots, leurs cris, leurs peurs ou leurs lois, la seule personne pouvant m’arrêter était peut-être la Mort.

    Elle viendrait me cueillir dans la plus grande délivrance que j’ai jamais connue de ma vie de petit oiseau.

    Frêle oiseau captif.

    Je m’élançai, battis des ailes et m’envolai.

     

    Pour mon dernier et plus beau voyage…

    Maéli


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