• La tête dans les étoiles

     

    C’est quand elle a fait le premier pas dans la classe que mon monde a implosé.

    Tout remonte à ce jour-là.

    Les souvenirs reviennent, comme les embruns ; avec un arrière goût salé, et cette senteur d’aventure qui s’est pointée dans ma classe, au moment même où elle a posé le regard sur notre univers.

    Elle sentait la mer, on voyait l’écume affluer et refluer dans ses prunelles, et ce matin-là, le rouleau des vagues m’a recraché sur le rivage.

    Les cours de maths du lundi matin c’est toujours l’horreur, et y avait jamais eu d’exception.

    Elle a ouvert la porte, s’est présentée, s’est assise, et plus rien d’autre dans mon cerveau n’a circulé que cette information, en continu « ce n’est pas un coup de foudre ce n’est pas un coup de foudre ce n’est pas un coup de foudre ».

    Je suis devenu complètement dingue après ce jour-là.

    Mes journées ont fini par ressembler à un parc d’attractions, grand huit, du matin au soir, bonheur, enfer, paradis, déception, je jouais aux cartes et j’avais jamais la main.

    Et c’est là que j’ai commencé à me balader partout avec ma guitare.

    Le soir, je m’asseyais, sous le porche, et je jouais des airs à ma mère, en espérant que le vent les lui porterait, je grattais mes cordes en me disant qu’un jour peut-être la nouvelle de la classe les entendrait, et qu’un jour, peut-être, j’arriverais à faire quelque chose de bien de ma vie.

    Dans le noir de ces soirs, je murmurais à maman que papa pleurait le soir, que je m’en sortais pas sans elle, que j’avais eu 4 en physique, et que j’aurais bien aimé qu’elle soit là pour m’engueuler.

    Des bruits de talons ont résonné dans ma ruelle, et mon cœur a dégringolé les escaliers, à l’instant où je l’ai vu sous le réverbère, cette nuit-là. Je n’ai jamais su ce qu’elle attendait, dans le froid de l’hiver, sous un réverbère qui clignote et qui stationne depuis des années, sous la fenêtre de ma chambre.

    Le sang battait dans mes tempes, et la seule chose dont j’arrivais à me souvenir, c’était que j’étais en vie et que maman n’était peut-être pas si loin…

    Alors j’ai continué à jouer, au clair de lune, et sa voix s’est élevée, et  comme un voile a déboutonné le manteau de la nuit ; les étoiles en sont tombées, unes à unes.

    Mon cœur aussi, d’ailleurs, s’est écrasé, à mes pieds et brisé en des milliers d’éclats de Lune.

    Quand sa voix s’est tue, j’étais assis à côté d’elle, derrière la barrière, sous la lumière de ce réverbère, qui clignote, à lui murmurer : chante.

    On est restés jusqu’à l’aube où j’ai vu sa voix décolorer l’horizon, et j’ai su qu’il fallait que cet instant ne s’arrête jamais.

     

    Et doucement, ma voix est descendue, comme une chandelle qui s’éteint, comme la nuit recouvre la terre de son manteau et se pose jusque sur le bout de mon nez.

    Il est peut-être temps de cesser de rêver, peut-être temps d’aller se coucher.

     

    Alors je prends mes cahiers, ma guitare, la tête dans les étoiles ; peut-être qu’un jour l’une d’entre elle réalisera cette chanson.

     

    Maéli.

    PS : c'est la nouvelle que j'ai proposé lors de La Matinale des Lycéens ;)

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