• Un sourire amer a fendu le visage de Zia.

    Les yeux de Julian se sont écarquillés brusquement, il m'a poussée, violemment, avec ses deux mains et je me suis renversée sur le sol. J'ai heurté la terre battue en un bruit sourd qui a résonné dans mon coeur.

    Il s’est amplifié, amplifié jusqu’à ce que j’ai l’impression qu’il allait exploser.

    Et, devant moi, Julian se décompose, son visage se fissure, sa mâchoire qui se décroche creuse de gigantesques failles pareilles à celles qui doivent ébranler son cœur.

    Zia a laissé tomber dans ce silence horrifié d’une voix pleine de mépris :

    -Alors, c’était ça ??

    Le masque de Zia a laissé passer un sourire triste avant qu’elle ne se reprenne immédiatement et lui dise, pleine de colère :

    -Hein ??

    On lit dans ces yeux une colère prête à déborder.

    Ses lèvres tremblent.

    Le temps a rempli qui vase qui va se déverser, et la tempête née dans le cœur de Zia s’apprête à tout détruire sur son passage.

    -Ça y est. Ça y est, Julian.

    -Nan, Zia, ça n’y est pas !! Tu te souviens ??! Jamais !!

    Elle l’a regardé comme s’il était le dernier des idiots.

    -Mais Julian, tu n’as jamais compté tenir tes promesses, non ?

    Et là, j’ai cru que Julian allait s’effondrer.

    Zia a respiré, goûté le silence, savouré le risque et la douleur causée par ses paroles ; a palpé du bout de la langue la saveur de ses paroles osées et encore jamais prononcées.

    Elle avait sorti son arc et elle était prête à tirer.

    Elle le connaît trop pour ne pas savoir où viser.

    Zia est une guerrière aguerrie et impitoyable. Peu importe que son adversaire soit à terre, ou qu’il soit l’homme qu’elle aime, elle l’achèvera.

    Et Julian est sa nouvelle proie.

    Elle ne s’est pas privée d’enchaîner, plus sûre d’elle :

    -J’ai toujours su que ce jour arriverait, Julian. Des mois que tu m’oublies dans ta tristesse. Ton cœur est en pierre. Et tu sais quoi ?? Je t’ai aimé. Mais si on en est là maintenant, c’est de ta faute. Tu n’as jamais été à la hauteur !! Et tout le monde le sait.

    Zia a tourné les talons, sa robe légère a tourbillonné avec elle dans son élan. Elle est partie, emportant les derniers lambeaux d’espoir auxquels s’agrippait Julian.

    Il y a eu un long silence.

    Seuls les battements de mon cœur comblent le silence.

    J’ai l’impression que mon cœur court, court, qu’il tape contre ma cage thoracique, qu’il est à deux doigts de la briser, qu’il est prêt à s’échapper ; fuir à la douleur.

    Je n’aurais pas dû être témoin de cette scène.

    Une petite voix me murmure « bien fait pour lui ! » pendant que le reste de mon être joue la caisse de résonnance à sa souffrance.

    J’aurais voulu ne jamais croiser son regard quand il s’est retourné.

     

    Il s’est levé.

    Et il est parti.

    D’un pas mal assuré, comme s’il avait trop bu ou que le vide en dessous de ses pieds lui avait donné le vertige, il a marché sur mon cœur et passé le pas de la cabane.

     

    Tout n’était qu’un rêve.

    Ou un cauchemar.

    Cette fausse réalité allait éclater d’ici deux minutes, j’allais me réveiller dans la forêt, toutes ces dernières explosées dans ce clignement de paupières où j’ouvrirais les yeux.

    J’aurais donné n’importe quoi pour que ça arrive.

     

    Le soir, une petite fille est venue.

    La peau mate, de splendides cheveux couleur nuit, lisses, m’a prise par la main, et sans un mot m’a conduite à ce qui doit être le centre du village.

    Des gens souriant, riant, parlant, sont rassemblés autour d’un feu. Ils mangent, ils échangent leur journée.

    « Je ne suis pas de leur monde ».

    Mon cœur s’est serré.

    Un cœur en haillons qui s’émiette à chaque fois que je pose le pied sur le sol. Je rêve de posséder leur vie, mais je n’ai rien à faire là.

    Il me semble que j’ai fait assez de dégâts.

    Je me suis assise sur le sol, en tailleur, comme eux, un peu à l’écart.

    Là où l’on pourrait oublier ma présence, que je puisse m’effacer de ce monde, puis me noyer dans la douleur.

     

    Je mange en silence.

    Le vide en moi joue à cache-cache, j’ai joué à pile et face, que voulez-vous j’ai perdu, j’aurais pas dû, nan j’aurais pas dû rester.

    Il a fallu qu’un garçon me repère, et vienne s’asseoir à côté de moi.

    Je ne le vois pas dans le noir, mais quand il a commencé à parler j’ai cru que j’allais me taper la tête contre un rocher.

    « C’est pas possible… » 

    On veut être tranquille et voilà ce qu’on se coltine !!

    Comment est-ce possible de dire autant de choses inutiles à la seconde ?

    Je ne l’écoute que d’une oreille, sa voix est douce, cadencée, presque pressée ; ce que je refuse de m’avouer c’est que je cherche du regard quelqu’un que je n’ai pas trouvé.

    Depuis que j’ai posé mes fesses sur le sol, le soleil s’est couché, les conversations taries, le repas fini et il n’est toujours pas apparu.

    Son absence oppresse mon cœur, comme une pièce qui se refermerait à chaque seconde qui file sous les mots de cet étrange compagnon.

    Sa présence n’empêche ni la douleur ni le sentiment de solitude de me coller aux basques, mais peut-être devrais-je le remercier de combler le silence, de tenter de recoller les p’tits bouts de sens qu’il me reste et d’en faire un puzzle.

     

    Et quand les gens ont commencé à se lever, il est arrivé.

    Tremblant, plein de sueur, le regard perdu, presque fou, mais il était là.

    Mon regard a glissé sur son corps.

    Et j’ai vu ses avant-bras.

    Entourés de deux grands bandages rouges.

    J’ai mis ma main devant la bouche presque sûre que j’allais vomir, jamais je n’ai pu supporter la vue du sang.

    Et mon voisin a lâché d’une voix tendue :

    -Ça fait quelques minutes que je t’observe et euh.. fais gaffe parce que tu disparais.

    Au même instant, j’ai croisé le regard horrifié de Julian.

    Coup de poignard.

    Je suis partie, propulsée par une force inconnue, j’ai filé plus vite que les comètes dans le ciel, le cœur battant la respiration haletante.

    Je disparaissais, je disparaissais, je disparaissais…

    J’allais mourir.

    Je revois son regard.

    Coup de poignard.

    Déjà, je ne vois plus mon bras, droit ni ma jambe gauche.

    Tout a perdu son sens ; où vais-je ?

    Ces yeux…

    Coup de poignard.

    Derrière moi, j’entends deux jambes courir et je prie pour que ce soit Julian, qui vienne m’aider, qui m’accompagne pour mon dernier voyage ; mais c’est la voix de mon compagnon qui hurle :

    -Calme-toi !! Surtout, ne panique pas !!

    Je vois la transparence progresser, elle monte jusqu’à mon épaule, non non non !!

    J’ai un frisson d’horreur.

    -Je t’en prie !! C’est la seule façon de te sauver !!

    Mais mon cœur était comme un cheval parti au triple galop, impossible de l’arrêter, et ma raison affolée et fissurée par tant de coups refuse de m’obéir…

    Je vais mourir.

    Maudite, coupable d’avoir brisé deux personnes, ingrate et sans avoir jamais dit au revoir à personne, sans jamais avoir dit merci, ou même su aimer quelqu’un comme il le méritait.

     

    Maéli.

    Alors ? ;)


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  • J-4

     

    -Mettons les choses au clair : je te déteste.

    Il se met à ricaner.

    Insupportable, je vous dis.

    Vous imaginez que j'ai dû passer la soirée avec ce mec ? 

    -Mais, j'ai pitié de toi.

    Je hausse un sourcil et il me fait un sourire d'ange. 

    Oh mon Dieu, je crois que je vais fondre...

    On est sur la table à manger de chez lui, devant notre p'tit déjeuner, et on discute. Bon, d'accord, je vous l'accorde, je me tape le plus long monologue de toute mon histoire parce que...parce que ce mec m'énerve, tout simplement !!

    Hayden a soupiré et je suis descendue de mon nuage ; il m'énerve tellement que j'en oublie presque que c'est quelqu'un. OK, je suis bizarre mais quand quelqu'un vous énerve, on s'rend pas toujours compte que c'est une façade ou qu'il peut se comporter autrement.

    -Le problème, c'est que tu me prends pas au sérieux. Et que tu me fais pas confiance.

    Je suis partie dans grand éclat de rire ; et j'ai relevé la tête et j'ai vu dans ses iris quelque chose s'assombrir... Mon coeur s'est serré.

    -Comment veux-tu que je prenne au sérieux un mec qui fait des trucs aussi chelous avec ses sourcils ?

    C'était tellement débile comme remarque qu'il a explosé de rire et que...disons, je me suis sentie vraiment vraiment stupide.

    -Nan mais... T'es toujours entrain de ricaner, de t'foutre de moi et ça me raaaaaaaaaaaaah tu peux pas savoir à quel point ! On va tous mourir, je pars à vélo réaliser des rêves complètement dingues, j'ai absolument aucune idée d'où j'me trouve et je tombe sur toi ! Et, je...

    J'ai levé les yeux vers lui : "Je te connais depuis deux jours."

    L'ai-je dit à haute voix ou est-ce seulement cette pensée qui s'est répercutée dans mon crâne ?

    Peu importe, car il a compris.

    -On fait un pacte ?

    J'ai haussé un sourcil.

    -Ah nan ça peut pas marcher si j'te contamine !

    Un grand sourire a illuminé son visage, et c'est vrai que j'ai pensé : "Pfft tricheur.... Comment veux-tu que j'te résiste ?"

    J'ai enfoui cette pensée, j'voulais pas voir c'qui fleurissait dans mon coeur alors que la Mort frapperait à nos portes dans quatre jours.

    -Plus de ricanements et toi, tu m'fais confiance.

    Il a repris un air sérieux et je lui ai rendu un sourire rayonnant :

    -Mouais... On va voir si tu peux tenir ça plus de trois minutes...

    Il m'a donné une tape amicale sur l'épaule et mon coeur a eu un sursaut.

    -Ça peut marcher si tu m'provoques ! Comment veux-tu que j'résiste à toutes ces perches ?

    J'ai rigolé et je suis partie en courant et en criant :

    -Ça fait pas partie du contrat !

     

    Hayden habite un château du XVIIIème juste carrément flippant. Quand le soleil s'est couché, et que je me suis retrouvée seule dans la chambre d'invitée, j'ai commencé à avoir peur.

    Hier, ma fierté me r'tenait, mais ce soir, j'ai su au bout d'une demi-heure que je dormirais pas alors j'ai pris sur moi, je suis sortie, et emmitouflée dans ma couette je suis allée à la recherche de la chambre d'Hayden.

    J'ai le coeur qui bat à cent à l'heure ; s'il me rembarre, si j'me perds, si il explose de rire... Et je suis arrivée devant sa porte.

    Je suis restée plantée là, pendant deux minutes. A écouter mon coeur battre, à entendre ces deux p'tites voix dans ma tête qui croisent le fer et ma main qui se lève, reste en suspend dans l'air et frappe.

    Je vous jure que les dix secondes qui ont passé ont semblé durer des siècles et j'étais entrain de me raisonner de me dire que j'avais eu tort quand j'ai décidé de pousser la porte.

    -Hayden ?

    Et dans ma tête, j'avais trois ans.

    Il ne dormait pas, il...

     

    Maéli.

    Ps : hé hé hé (rire de sadique) ; la suite de Reflet demain ;)

     


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  • Tokito, 2813

    Je vais faire un meurtre !!

    Pourquoi ?!

    Rigolez rigolez, allez-y ; rigolez d'cette gamine de quinze ans qui vous dit qu'elle va faire un meurtre du haut de son p'tit mètre soixante-trois, elle peut à peine vous mettre une claque !

    Mais si vous saviez...

    J'ai découvert aujourd'hui qu'il existe des causes qui valent la peine qu'on y dédie sa vie.

    J'ai découvert ce que c'était de rêver.

     

    Je n'arrive pas à décolérer. 

    Les hommes rêvaient-ils chaque nuit ? Se réveillaient-ils un sourire scotché sur les lèvres ? Ou, parfois encore tremblants et suants de peur ?

    Qu'est-ce que ça faisait de ne pas contrôler ce phénomène ?

    Tout m'intrigue quand je me mets à penser aux rêves...

     

    Je suis là, devant ma barquette d'aluminium et, pour la première fois de ma vie, je rêve d'autre chose. De la fumée s'échappe de mon repas et je me dis que ma vie part avec elle ; nous sommes ce que nous mangeons, non ?

     Je n'arrive pas à penser à autre chose.

    L'idée qu'il existe quelque chose de différent me galvanise. Je crois qu'on appelle ça l'espoir. Mais ça fait tellement longtemps que je n'ai pas entendu ce mot que...je doute. Où le vois-t-on hormis dans les histoires ?

    Mon regard s'échappe et s'arrête sur le mur gris. Je repense à mamie qui me parle d'herbe verte, de ciel bleu et de vitre qui permettent de voir l'extérieur. C'est une histoire que lui racontait sa grand-mère...

    Ici, les fenêtres sont une utopie. Ahh si seulement...

    Mais les maisons sont collées les unes aux autres, la notion d'extérieur n'existe même pas. La ville où je vis s'appelait Tokyo il y a cinq siècles. Son domaine de prédilection, c'est la robotique.

    Et le contrôle.

    J'ai compris cela en rêvant la nuit dernière. J"étais persuadée que jamais je n'aurais les moyens de rêver, avant.

    Avant, avant, avant ; c'est quand ce mot s'insinue dans notre tête qu'on comprend à quel point les choses  ont changé.

    Ils contrôlent nos esprits, car aujourd'hui ils sont dépourvus de désir.

    Ici, rêver à un prix.

    Nous sommes des machines, car on a retiré la base du désir d'un monde différent. Le rêve offre une alternative à cette vie et j'ai toujours cru qu'elle n'y en avait pas. Le rêve est l'occasion de concevoir ce monde d'une façon différent, de voir faire mieux, d'avoir des objectifs, d'être.

    Ils ont retiré la graine qui faisait germer toutes les autres.

    Je comprends maintenant, pourquoi tous ces hommes riches et puissants de la planète sont drogués au rêve, drogués.

    J'ai toujours pensé que jamais je n'aurai les moyens de m'offrir un rêve. 

    Et hier soir, un homme est venu et m'a dit : "As-tu jamais rêver de rêver ?"

    Et j'ai bêtement répondu : "Vous croyez que c'est possible, vous ? Faire quelque chose dont on ignore tout ?"

    Il a haussé un sourcil :" Et si je vous dis que rêver n'est pas un luxe ?"

    Il m'a proposé de le suivre. Je l'ai suivi. Je suis folle ?

    Vous savez, dans un monde où la probabilité que notre vie prenne un sens différent, l'envie même qu'elle prenne un sens différent n'existe pas, la vie perd vite de son intérêt ; et, pour la première fois, j'avais envie d'en savoir plus.

    Et j'ai rêvé.

    Avant de partir, il m'a glissé un papier avec écrit R dessus et une adresse ; je sais maintenant ce que c'est. Non pas R comme rêver, mais R comme rébellion.

    Je suivrais cet homme jusqu'au bout du monde s'il peut me permettre de rêver à nouveau. De montrer au monde entier à quel point notre cerveau est magnifique et peut nous offrir des instants drôles, magiques ou terrifiants au moment où nous sommes les plus vulnérables.

     

    Maéli.

    PS : Je suis désolée pour le retard :/

    Demain, une nouvelle "Clair de Lune" et après-demain "Apocalypse".

     


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  • J'ai envie d'me lever, d'envoyer ma p'tite vie bien rangée aux chiottes.

    De r'lever la tête, d'les défier.

    Tu m'cherches ?

    Hein, tu m'cherches ?

    Fais pas l'con, ma détermination me transforme en boulet de canon.

    D'tout démolir.

    Ou d'finir de construire.

    Vous croyez quand même pas qu'ce monde peut continuer comme ça ??

    Ah si...

    Si, si, si.

    Mentez pas, vous savez qu'j'ai raison. C'est pas pour rien que vous fermez les yeux.

    Pour ne pas voir la collision ?

    Mais j'veux changer c'monde.

    Y en a ras l'cul des bassesses humaines. Parce qu'on est bien plus que ça, vous pensez pas ?

    Pourtant, j'vais rester à mon bureau à réviser ma physique, le cul planté sur ma chaise.

    Pardonnez ma vulgarité, mais ça m'tue.

     

    Maéli.

    Ps : Je publie demain une 'tite nouvelle "Le droit de rêver"...;)


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  • Peut-être ai-je perdu le fil ou alors me suis-je endormie ; mais me voilà allongée sur un sol de terre battue à cligner des paupières pour revenir à moi.

    Je me relève d’un coup, prise de panique ; le cœur battant.

    Serais-je revenue chez moi ?

    Je jette de coups d’œil furtifs, mais non ; mon cœur se calme, mon souffle se fait plus silencieux, me voilà en terre inconnue. Et bizarrement, cette pensée me rassure.

    Lentement, je pivote ma tête à droite et me fige.

    La silhouette que mon œil avait à peine saisie lors de ce coup de panique se dessine plus précisément. Je suis ses cheveux bruns ébouriffés, certainement pas coupés depuis quelques mois, sa nuque ou perle des gouttes de sueur, son sweat qui a dû un jour être vert mais qui est devenu gris…

    -Ah.. Tu es réveillée.

    La chaleur est montée, d’un coup, à mon visage, m’a enflammée, ravagé mon cœur ; sans que je puisse lutter. Je suis affreusement gênée, pendant qu’il me balaie d’un regard perdu qui se fixe sur mon visage.

    -Ça va ?

    Je me tais, je ne veux pas répondre.

    Je repense à Zia.

    Je ne peux pas le laisser engager la conversation, le laisser m’enchaîner à lui alors qu’il appartient à Zoé, alors que je brise ce qui reste du lien qui les unit.

    Je ne peux pas accepter de mettre en danger qui que ce soit par le seul fait que j’ai failli me noyer et que j’ai besoin d’aide.

    Je ne peux pas permettre qu’une autre fille soit maudite à cause de ma disparition.

    Je ne peux pas rester, c’est simple.

    Je vais faire honneur à ma famille, rentrer chez moi la tête haute, et tout faire pour tenir le plus longtemps possible.

    Je me suis grattée la gorge et j’ai lancé, dans ce silence, une phrase qui deux heures plutôt m’aurait semblée folle, si folle :

    -Je dois rentrer.

    Il m’a lancé un regard surpris.

    -Pourquoi ?

    -Je ne peux pas rester.

    Il a semblé deviner :

    -Tu as entendu ce qu’a dit, Zia, hein ?

    J’ai haussé les épaules.

    -Peu importe, non ? Ce qui compte, c’est qu’elle ait raison et que je doive quitter cet endroit au plus vite.

    Il a planté ces yeux dans les miens, et c’est à ce moment-là que tout a changé.

    Le moment où j’ai plongé mes yeux dans les siens et que j’ai su qu’à jamais je serai prisonnière de ce regard.

    Deux yeux verts, pour voguer à jamais sur l’infini du monde, hors de temps.

    Deux yeux couleur émeraude, couleur des étendues d’herbes, couleur de la mer dans ces journées de tristesse.

    Deux yeux qui m’ont pris et qui ont refusé de me ramener sur le rivage.

    -Tu ne tiendrais pas deux jours.

    Mais pour qui il se prenait ?

    -Ah bon ?

    -La nature est trop sauvage par ici. Nous sommes loin de là la clôture ; trop loin si tu veux espérer y parvenir avant de mourir de faim ou de soif.

    J’ai levé les yeux au ciel.

    -Ce n’est pas ça qui m’arrêtera.

    -Même pas la mort ?

    -Tu sais, je suis maudite, mon compte à rebours a perdu quelques dizaines d’années ; alors pourquoi pas en perdre quelques autres ?

    Je l’ai pris par surprise. J’ai profité des quelques secondes qu’il a mis pour avaler ce que je venais de lui dire pour me lever.

    Il m’a attrapée par le poignet pour me forcer à m’arrêter.

    Je me suis retournée pendant qu’il me disait :

    -Zia avait tort. Tu ne peux pas t’offrir en sacrifice sous prétexte que d’autre vont peut-être mourir.

    -Eh bien si.

    -Si tu étais morte, il y a deux jours ; si je n’avais pas plongé pour te sauver, que penses-tu qu’il serait arrivé ?

    Je suis restée sans voix.

    Que puis-je dire ?

    « Je vais faire honneur au fait que tu m’es sauvée en allant mourir » ? Ce serait ridicule.

    J’ai soufflé.

    -Tu proposes quoi ?

    -Tu t’installes ici. Dans notre village.

    -Et après ?

    Je me suis assise et l’ai vu baissé les yeux.

    -J’en sais rien.

    J’allais me relever aussi sec et lâcher un dur : « Je serai certainement plus utile derrière la Grille qu’ici. Au revoir. » quand j’ai lu sur son visage beaucoup de doute. Et de douleur.

    Et c’est ça qui m’a retenue.

    Aussi incroyable que ça puisse paraître.

    -Zia..Zia et moi, on est arrivés ici des rêves pleins les poches et du bonheur qui débordait de nos cœurs ; on était prêts à tout pour faire changer les choses. Je me rends compte à quel point on aurait fait n’importe quoi pour sauver la moindre vie. On avait tellement de projets… L’avenir nous semblait radieux quelles que soient les épreuves qui nous attendaient.

    Il s’est tu et j’ai regardé le sol.

    Le voir se souvenir de ces instants enrobés d’un bonheur enfui me faisait trop mal.

    Trop d’échos en moi résonnaient sur la même fréquence.

    -Le temps a passé. On a fait ce qu’on a pu, mais ça n’a pas suffi ; on a enchaîné les désillusions. On a construit quelque chose de grandiose mais à côté de tout ce qu’on a donné et ce qu’on espérait, c’est si peu…

    Un ange est passé et l’air s’est rempli de douleur.

    Il m’a regardée et, timidement, mon regard a osé croiser le sien.

    L’air était devenu électrique, mon cœur battait à cent à l’heure, la pièce allait exploser.

    C’était comme si l’air se compactait, au minimum et qu’elle s’apprêter, à d’un coup reprendre sa taille. Reprendre sa taille, tout faire exploser, nous emporter, nous consumer.

    Je me noyai dans l’océan de la douleur que je lisais dans ces yeux. Comment peut-on souffrir autant ?

    Il se penchait, dangereusement.

    Mes mains me démangeaient, je voulais le toucher le toucher, j’en avais besoin. C’était comme si, si je ne le touchais pas, j’allais mourir.

    J’étais une flamme et il était mon oxygène ; encore inatteignable.

    Ses lèvres allait frôler les miennes quand Zia a ouvert la porte de la cabane.

     

    Maéli.

    Ps : La suite d'Apocalypse avant jeudi et un texte pour fêter les 100 visites cette semaine, ça vous dit ?? ;)


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  • Musique d'accompagnement : https://www.youtube.com/watch?v=hT_nvWreIhg

     

    Tu sonnes et tu résonnes...

    Je gratte et tu m'emplis...

    Tu m'emplis, remplis l'air, lui donne une saveur sucrée, rend la vie à mes cellules pourries, relève mes espoirs ; tu chantes my darling et je revis.

    Tu ris, tu chantes, tu grinces oh my lover, tu t'élèves jusqu'au haut dans le ciel, moi sur ton dos ; mes ailes poussent poussent et je me souviens de mes rêves.

    J'attends l'amour, j'trébuche sur toi ; toute faite de bois, brillante, encore illuminée de ce rayon d'soleil, ah je t'attendais.

    J'ai trimé pour t'avoir et n'aie jamais regretté ; n'es-tu pas celle qui me donnera la force de  patienter ?

    Te voilà. J'peux même pas t'en vouloir d'avoir tardé, j'te tiens tout contre moi et gratte ; le temps se fige et la vie emplit ma cage thoracique, que c'est bon de respirer. Respirer ces sons, respirer ce monde.

    Depuis qu't'es là, la vie c'est plus pareil ; comment avais-je pu oublier à quel point la vie est belle ?

    A quel point ce monde est beau ?

    On apprendra à c'connaître ma confidente, my darling, my lover et le jour viendra où tes cordes n'auront aucun secret pour moi ; maint'nant que mon coeur s'est déballé devant toi...

    Mal aux doigts, patience, mais peu importe, t'es là et je n'abandonnerai pas.

     

    Maéli.

    Ps : La suite de "Reflet" demain, comme d'habitude ;)


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