• A l’ineffable,

     

    Je croyais qu’on rencontre l’amour que les soirs de pleines Lune, ou ces jours où tout est à l’envers, -où j’ai pas eu le temps de me brosser les dents, où j’ai enfilé le premier truc que j’avais sous la main- mais ce jour-là, il avait tout l’air d’être ordinaire.

    Et je pensais que l’on ne pouvait aimer que cette part de moi qui rentre dans les cases ; celle dans laquelle je me sens à l’étroit. Je pensais que ce que j’ai caché dans mes yeux ne se verrait pas, qu’il ne suffirait pas pour être aimé. J’en avais oublié que le reste n’était pas moi.

    Pour autant, je suis assise tout contre toi sur un canapé où il y aurait la place pour garder cette distance entre nous et il nous parle, comme il sait si bien faire. Ta chaleur contre la mienne, j’avais oublié que l’amour était si simple…

    Nos yeux se croisent et il y a comme une lumière qui passe d’un bout à l’autre de nos univers ; je suis à l’envers, je suis auprès des étoiles et je ne voudrais être nulle part ailleurs.

    A l’ineffable, le merveilleux, qui est entré sur la pointe des pieds dans ma vie ; si bien qu’il en est devenu obsédant…

    Je pensais que l’amour c’était facile, qu’ouvrir son cœur à l’autre, l’étranger, ne demandait que de la volonté ; et tu sais quoi ? J’avais tort.

    Tu m’as mise face à moi-même ; j’étais en colère d’être face à mon reflet. L’amour est une tempête et ta présence et ton absence est entrée dans ma chambre et en à mis tous les tiroirs à l’envers. Mes blessures, écartelées, ont rugi dans le silence. La colère.

    Mais pas un jour ne passe sans que je ne pense à toi.

    Il y a des détails qui se rappellent à moi, quand je marche dans le froid ou quand je devrais restée concentre –ton odeur, ton rire, la couleur de tes yeux, la douceur de tes mains. Et le monde entier me prend dans ses bras en attendant que tu trouves le courage de m’étreindre.

    A l’ineffable, la bougie posée sur mon balcon qui supporte toutes intempéries ; je savais qu’il faudrait batailler, pas que le paradis pouvait descendre sur Terre comme un voile ou comme deux yeux qui s’ouvrent sans rien dire.

    Rien n’est fait et pourtant je sais.

     

    Depuis que tu es là, les mots se dérobent sous mes pas. C’est étrange.

     

    Maéli 


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  • La tigresse a brisé les barreaux.

    Elle s’est échappée, alors que je venais de clore mes paupières, sur un morceau de musique ; la liberté m’a emplie m’a soulevée et la question qui s’est posée c’est qui je suis ?

    Mais qu’est-ce que je fous dans un monde qui ne me ressemble pas ? Mais comment j’ai atterri dans cette vie où je mets mes rêves en quarantaine ?

    Comment j’ai pu laisser le félin en moi dans sa prison si longtemps ; tout feu tout flammes, j’ai toujours su que j’avais cette rage en moi ; qui vous hypnotise qui vous enflamme les cieux.

    Tout part en fumée avec moi. On en fait de la poussière d’étoiles, et aussi des rêves pour que même quand la nuit descende sur l’horizon, la beauté de nos cœurs lui soit inaccessible.

    Mais que fait-on à se regarder en chien de faïence, les mots et moi ?

    Je suis fragile aujourd’hui, la tigresse a fait sauter la tour de verre.

    Tu as dit un mot de travers et c’est tout l’édifice qui a tremblé ; c’est pas de ta faute, mon amour, c’est moi qui ai fait des concessions à mes rêves, parce que le temps.

    Je suis en bataille je suis en pagaille et je ne sais plus quel combat vaut la peine, quel combat est le mien…

    Je suis un tournesol à plusieurs soleils, un arc en ciel qui ne sait s’il préfère la pluie ou le ciel bleu ; je suis à la dérive, dans un brouillard immense, qui recouvre la plaine de mon cœur.

    Il y a quelque chose de sauvage en moi qui hurle mais je ne peux déchiffrer ses paroles ; ce n’est pas encore la liberté, mais d’abord la rage d’avoir été enfermé.

     

    Il parait que l’océan se réveille sous les murmures du vent et il a fait éclater la falaise en milliers de grains de sable ; ça rugit sur le rivage.

     

    Maéli


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  • On se regarde en chien de faïence. Danse le silence sur la table ; et qu’il pirouette plus bruyant encore que les mots.

    On se jauge comme des inconnus. Les mots me disent « t’as cru que tu pouvais vivre sans nous ? » et j’aimerais leur dire que non ; mais je vous ai mis sous le tapis, n’est-ce pas.

    Et je reviens quand le vase est trop plein.

    J’aimerais les prendre dans mes bras, les serrer tout fort, comme ces êtres familiers ces êtres aimés ; et fermer les yeux, ressentir cette chaleur m’emplir, celle que l’on vit, emmitouflé sous un plaid avec un thé au creux des mains, alors que l’hiver rumine.

    J’aimerais poser la tête sur leur épaule, leur dire que c’est fini, que c’est la dernière fois. Mais c’est un mensonge ; et moi qui croyait être sans concession avec mes rêves, je les ai torpillés, car il paraît qu’il y a plus urgent, qu’il y a plus important.

    La douceur de leur mélodie dans mon intérieur, la couleur des lettres et l’orchestre entre mes émotions et les syllabes ; un nouvel horizon se dessine.

    J’aimerais soudainement tout déverser sur une feuille de papier, comme pour tourner la page et dire à tout ce qui m’emplit, c’est fini. C’est fini.

    Avec le même pouvoir que les larmes qui dansent sur ma peau, qui caressent tendrement ma joue ; pour poser le paquet par terre, le déluge a lavé ton cœur, l’automne me dénude et je frissonne.

    Les mots ne sont pas rancuniers, n’est-ce pas ?

    Je suis rentrée à la maison presque sans faire de bruit, dans l’obscurité et sur la pointe des pieds ; ils m’ont ouvert grand leur cœur, ils ont allumé les lumières et on a fait un feu de camp, pour que je n’aie plus froid.

     

    Merci.

     

    Maéli


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  • Je regarde l’écume se retirer lentement. J’observe le bâtiment d’en face à travers la fenêtre. Je rêve quand la nuit couvre doucement les cœurs et les maisons.

    Le silence dort, tout près du feu ; je le caresse tendrement et il ronronne. Mon cœur est ailleurs. Il neige dans mon intérieur.

    Tu verrais les quais de Paris ; si tu pouvais fermer les yeux, cette lumière et cette tiédeur dans l’air… Les fumées qui s’échappent de nos bouches et le monde entier recouvert, par pudeur certainement, de cette blancheur immaculée.

    Je ne te le dis pas, mais je le murmure ; je pense à toi.

    L’instant n’a pas vraiment de nom ; n’est-ce pas ?

    Je respire profondément, les yeux clos, cette magie dans ce monde qui palpite ; ton regard s’est emmêlé dans mes cheveux.

    Si on me l’avait dit plus tôt, je n’y aurais pas cru, tu sais. Je ne savais pas que l’amour pouvait prendre une telle douceur, qui vous enveloppe dans sa polaire ; alors que tu claques des dents sur la banquise.

    Je ne pensais pas qu’un jour, je pourrai me sentir si stable en plein milieu d’un tremblement de terre ; tes yeux ont saisi les miens, je suis arrimée au sol et mon cœur est ailleurs.

    Parfois, il m’arrive de cligner des yeux et de ne plus tenir debout devant la chaleur qui me prend, de l’intérieur, elle m’emplit elle fleurit elle s’épanouit et je croirais m’envoler dans une danse insensée ; et chaque fois, je suis stupéfiée par cet ineffable qui me transcende : tout l’amour que le monde a à donner.

    J’ai arrêté de regarder les infos pour regarder autour de moi, je lis plus les journaux mais des livres ; il me paraît que mes yeux s’ouvrent un peu plus chaque jour. Et par un effet miroir étrange, mon cœur aussi.  

    Une fleur a éclos en plein Paris, alors que l’automne danse et que le pessimisme pleut sur le monde ; une fleur est née à la vie.

    Il y avait quelque chose dans ton regard qui m’a ramenée à qui j’étais ; il y a comme un vent frais dans cette attente de l’hiver qui m’a ramenée à des temps anciens.

    T’a-t-on jamais dit que ton bonheur était ce qui comptait le plus aux yeux du monde ?

    Un voile se déchire et la mer se fracasse sur les rochers ; tempêtes de neige, c’est comme découvrir qu’on nous avait pas tout dit, qu’il y avait une règle qui disait bien, en bas, tout en bas, que l’univers est avec toi.

    Je voudrais rire à en pleurer ; je me souviens de mes cheveux blonds et de tes cheveux noirs qui se mélangent un jour d’euphorie, je me souviens avoir joué du ukulélé dans la rue pour des inconnus, je me souviens aussi des câlins de maman, qui remettent la chaleur dans mon cœur.

    L’hiver au coin du feu, à rêver d’un monde meilleur ; mais viens avec moi, tu veux bien construire cette bulle qui va nous libérer ?

    Il me parait qu’il n’y a pas de musique assez forte pour faire exploser ce qui, dans ma cage thoracique,  me fait sourire à n’en plus pouvoir et qui n’attend que de s’exprimer ; et j’aimerais te dire que je t’aime et j’aimerais le hurler au monde entier. Je t’aime toi, je t’aime les autres.

    Et la mer est infinie et le ciel aussi et les toits de Paris sont autant d’histoires qu’il y a de gens en ce monde ; et les étoiles dansent la valse quand nous tournons le dos, il parait que parfois, elles s’écrasent sur nos joues quand la solitude nous prend et qu’elles se font larmes et puis cristal

    pour que jamais les hommes ne songent qu’on les a abandonnés.

     

    Et, de nouveau, mon cœur chavire…

     

    Maéli


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  • Aimer. Mais quelle folie…

    Un verbe insensé, n’est-ce pas ?

    Je regarde les lettres danser sous mes yeux et mon regard perce le miroir ; tout est devenu flou, les règles du jeu, le plateau même du jeu, tout est parti en fumée. Un clignement de paupières.

    Je suis partagée entre deux envies : laisser la rage qui gronde me consumer et hurler jusqu’à en rompre la corde et puis l’espoir, oh, encore l’espoir mais quelle folie, je me perds dans un rire. Dérailler.

    Il fait nuit dehors et dans mon intérieur ça tire sur la couette dans tous les sens. Je ne sais où donner de la tête. Je deviens dingue. Tu me rends folle. Mes pensées me rendent folle.

    Ne pas te voir me rend folle.

    Je cède un instant, et un volcan dont j’ignore la position exacte fout tout à l’envers. Ça crépite dans tous les sens et les flammes lèchent les rideaux ; je me croyais libérée, me voilà prisonnière.

    Je me sentais si légère à cette idée : je n’ai rien à perdre.

    Puisqu’il n’y a que toi qui compte, alors entrons dans la danse et jouons ; puisque mes yeux ne peuvent regarder ailleurs attirons les tiens. Rions à en perdre les sens et à savourons le bonheur qui pétille sous nos langues.

    Puisque l’on m’a offert des ailes – aimer, mais quelle idée insensée – alors allons planer, haut dans les cieux, prêt du soleil ; là où plus rien n’a d’importance que la chaleur dans nos cœur.

    Je n’ai rien à perdre.

                    Un sourire. Un lampadaire qui clignote dehors. Une voiture qui passe en vrombissant.

    Pas même toi puisque tu ne m’appartiens pas.

    J’ai cru voir le ciel dévoiler son visage ; les étoiles scintillant de mille feux.  J’ai cru voir la liberté.

    Mais je ne t’ai pas dit, chéri ? J’ai une maladie : elle s’appelle la peur que tu t’enfuies.

    J’ai confiance en toi, il parait. Ce n’est pas le problème, il parait.

    Il fait froid dehors. Et j’ai vu que tu étais parti sans rien me dire et j’ai vu que tu étais connecté sans me parler et j’ai été précipitée dans des affres dont je ne veux pas me souvenir. Le désespoir a fait son entrée.

    Un éclair est tombé sur la terre.

    T’es pas le premier à voler mon cœur. Oh non, il a voyagé ; et nous avons fait écho à ce que j’avais vécu. Ça m’a terrorisé.

    Un éclair est tombé sur la terre.

    J’ai compris pourquoi j’étais paralysée. J’ai compris, chéri.

    J’ai respiré et je suis devenue libre à nouveau.

     

    Aimer, quelle folie.

     

    Maéli 


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  • Depuis toute petite, on la réveillait tous les matins à huit heures.

    Et puis un jour, elle avait décidé qu’elle était grande. Elle avait mis tout le monde à la porte et plus personne n’entrait dans son empire sans frapper.

    Ce matin-là, elle s’était réveillée à huit heures une et pour la première fois depuis plusieurs années, elle aurait bien aimé entendre deux coups secs frappés et puis les pas légers de Sophie sur le plancher ; et la douceur dans sa voix quand elle lui disait que les oiseaux carillonnent, princesse, c’est l’aube d’un nouveau jour qui n’attend que toi.

    Elle s’était recroquevillée sur son lit, fixant la porte et attendant des souvenirs qui ne reviendraient pas au présent. Sophie est partie, aujourd’hui ; elle a pris le train il y a longtemps.

    Peut-être qu’en mettant ses bras autour de ses jambes repliées cela comblerait-il le vide dans sa cage thoracique ?

    Peut-être même que cela comblerait cet espace pendant lequel Sophie a disparu et que cela rafistolerait cette parenthèse pendant laquelle elle avait cessé de lui parler ?

    Parce que si elle était, à tendrement lui caresser les cheveux, elle pourrait lui raconter. Elle pourrait lui parler de cet éclair qui la transperce ; de cette impression d’abriter un monde vide. De cette envie de pleurer qui surgit de nulle part, qui la prend dans les coins de rue ; en plein milieu des moments de liesse familiale mais aussi quand personne n’est là pour le voir.

    Elle pourrait lui demander de mettre des mots sur cet ineffable qui l’habite et qui lui échappe.

    Puis lui parler de ce regard qui a pris son cœur et qui ne s’est plus jamais posé sur elle, de Charlotte et Madeleine qui ont été emmenées par deux policiers l’autre jour à l’école et qu’on n’a pas revues ; de maman qui jette des assiettes sur papa dans la cuisine et qui lui crie qu’il est un meurtrier.

    Elle frissonne. Ce matin, elle n’a pas l’énergie pour se lever. Et personne ne viendra lui dire que cette journée n’attend qu’elle ; parce que cette journée est partie, loin devant elle, et qu’elle a pris toute la lumière avec elle. Il ne reste plus que l’obscurité de la nuit.

    Il parait que la douleur passe, qu’elle ne s’installe jamais vraiment ; tout empire est éphémère. Son estomac gronde. Il sait qu’il n’y aura peut être pas de petit-déjeuner ce matin et il proteste. Tout son corps aussi proteste et refuse de se mouvoir.

    Ce sentiment de faiblesse. C’est la grève générale sur son lit aujourd’hui.

    Papa lui disait que sans une bonne raison de se lever, nous sommes finis.

    Elle voudrait ricaner parce qu’elle a quoi, treize, quatorze ans ? Même elle ne sait plus vraiment ; tout ça dure depuis vraiment trop longtemps.

    Un courant d’air. Elle a froid dans son pyjama en tissu fin, mais c’est tout ce qui lui reste de son ancienne existence ; de Sophie, des vacances à la mer, du chocolat pour le goûter.

    Son regard se perd dans le vide. Elle sait que Sophie ne reviendra pas.

    Avant que maman ne l’emmène avec elle, elle s’est assise dans la cuisine et elle lui a tout raconté. Où allait le train de Sophie, et puis aussi celui de Charlotte et Madeleine ; ce que ça voulait dire être policier français en dix neuf cent quarante et un.

    Elle pense que c’est à cet instant qu’elle a commencé à frissonner, quand maman a mis les deux pieds dans le plat ; c’est là qu’a débuté le cauchemar.

    N’est-ce pas qu’elle sait, maintenant ?  Les fantômes dansent sous ses yeux.

     

    Personne n’est venu frapper, ni à huit heures ni à midi. 

     

    Maéli

    Pour le concours de Nienor


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