• 9_Alcools et larmes

    Aela

    Le silence m'a niquée, faut l'dire.

    Son absence, aussi.

    Et le temps qui fait vaciller la confiance. Pourquoi faut-il qu'on doute toujours des autres ?

    Je sais pas.

     

    Hayden 

    Nan mais qu'est-ce qui lui a pris ??

    Nan mais les gens, des fois...

    J'ai ouvert en grand la porte et j'ai pris Aela par les bras et je l'ai tirée d'là, j'ai crié, allez on s'en va et je vous promets que cette porte, je vous l'aurais défoncée.

    Nan mais c'te mémé, j'vous promets !

    On est sortis, je tire presque Aela derrière moi, mais j'suis tellement furax que je m'en fous, en fait, je m'en contrefous, c'est pas contre elle, c'est contre moi, la vie et puis c'te dame ; et  aussi ma naïveté, un peu.

    J'ai enfourché mon vélo et je me suis mis à pédaler comme un fou, comme si le monde tournait sous mes roues ; fallait qu'ça sorte, fallait qu'ça m'quitte.

    Aela a rien dit, elle m'a suivi. Je peux même p'us la regarder en face.

    Merde, quoi !

     

    Aela

    Je comprends p'us rien.

    Ça m'a épuisée, c't'histoire, j'veux même pas savoir ce qui s'est passé, j'veux arrêter de pédaler, je veux arrêter de courir.

    Mais fuck, là c'qu'on fait c'est fuir !

    Moi j'pensais qu'on en aurait fini avec tout ça. Tout ça ? Cette putain de basesse humaine.

    Et les barrières sont tombées. J'ai commencé à pleurer.

    Et puis je me suis arrêté.

     

    Hayden

    D'abord, j'ai pas compris. Je vous ai dit, je mets du temps à piger.

    Mais sa présence a fini par me manquer. J'ai jeté un coup d'oeil derrière mon épaule. Elle était censée êt'e là. J'ai eu peur et puis je me suis énervé, mais merde je fais tout à l'envers !

    Une vieille voix bien vache m'a gentiment suggéré de continuer, que j'avais pas besoin d'elle, et puis j'avais ma bouteille et soixante douze heures à tuer, nikel ; je vous promets que j'aurais arraché les yeux de cette voix !

    Et j'ai fait demi tour.

    Elle était bien là, en fait, recroquevillée sur elle-même, les yeux dans le vide, à grelotter ; une vague de honte m'a emporté, je me serais enterré dix pieds sous terre, et je voulais l'abandonner ! Mais je suis fou !

    Nan, on va s'arrêter là, fou de quoi, de qui et tout ça ; me dites pas qu'elle retournera à la poussière. Pas elle, pas un diamant comme ça, elle est si belle dans cette après-midi, elle est si belle quand elle a peur, quand elle rit, quand elle s'énerve, quand elle vit, quand elle dort.

    On a dit, stop !

     

    Aela

    Il est revenu.

    Je suis soulagée et puis, j'ai plus la force d'être en colère.

    Il sait pas quoi dire. Tant mieux. Et il a jamais été à l'aise avec le silence. Et bah tant pis pour lui.

    Il dira pas "ça va ?", il est pas bête et puis je suis partie dans mes pensées, j'ai senti son épaule contre la mienne, j'ai entendu son sac s'ouvrir et puis j'ai vu qu'il buvait. 

    J'ai pas vu quoi.

    En fait, je m'en fous. Il aurait dû essayer de comprendre.

    Mais merde pourquoi on est si égocentrique ?! Il a posé la bouteille, il m'a jeté un regard, je suis restée de glace, j'ai cru que j'allais le perdre, il est rev'nu au moins, j'ai attendu des heures dans le noir, non, c'est dev'nu trop dur.

    J'me suis prise trop de taule en amour, si i' s'y met, j'suis finie.

    C'est bien, la mort approche.

    Et il a repris un bon coup devant mon apparente indifférence.

    Je suis bête.

    Je me suis levée, je lui ai pris la bouteille des mains, et j'aurais voulu le frapper.

    Mais merde, il se noie, je me noie et je veux le frapper, je devrais p'têtre en prendre un peu d'sa vodka au lieu de piquer une crise, comme ça, et puis ça a été trop fort, ce combat, en moi, je me déchire sans arrêt en deux ; je suis pas une feuille de papier.

    Je lui ai lancé un regard. 

    Il faut qu'il comprenne que je suis perdue sans lui.

    Qu'i' faut qu'on avance ensemble. Sinon, je vais tomber de la balançoire.

    Et ça risque de faire mal.

     

    Hayden

    Elle m'en veut. Son regard me lacère le coeur.

    Ses yeux, c'est mon univers ; mais sa douleur, ce sont mes fers.

    Je ricane, je ricane, je suis con, en fait.

    Je suis pas capable d'aimer, je suis pas capable de lui montrer, je suis pas capable de tenir debout, de prendre soin d'elle ; je suis capable de me foirer, par contre. Ça je vous promets, je sais faire.

    C'est dans mes cordes, parfait. Y a même pas besoin d'viser ni rien, c'est inné.

    Et en plus je me nique. Aha on a même pas besoin des gens pour nous étriper, on le fait très bien nous-mêmes ; et c'est ça qu'on voit dans l'miroir, après.

    J'ai envie de lui dire mais tu comprends pas, mais si je lui dis rien, c'est normal ; alors je sors la vérité. Mais pas tout. Je veux pas parler. Pas de ça, pas maintenant. 

    Même si je crois que ce serait bien la seule qui pourrait comprendre.

    C'est bête, comme raisonnement, je vous l'admets ; c'est lâche, aussi. Mais les humains des fois...

    Excuse universelle des lâches, mais si vous voulez vous protéger de n'importe quoi, elle est blindée, je vous l'promets.

    -C'est la p'tite dame.

     

    Aela

    Et ça m'est tombé sur la tête.

    -Qu'est-ce qui s'est passé ?

    Quand quelqu'un dans c't'état vous raconte ça, je vous promets que vous flippez à mort. Toutes les pensées ont fusé dans ma tête, les peurs s'en sont mêlées, ont tout emberlifiquoté, son ancienne colère y a ajouté son grain d'sel et puis ce truc, là, dans ces yeux, a fini d'emballer la machine.

    -Qu'est-ce que tu lui as fait ??

    Pourquoi on finit toujours par douter, même de ceux qu'on aime ?

     

    Maéli.

    La suite ;)

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