• Les bruits de couverts ont résonné sur la table. L'atmosphère paisible m'a frappée. Ma chaise a grincé quand je me suis reculée pour répondre au téléphone.

    J'ai souri à Joachim, en passant devant lui, ce petit bout de chou qui est, je le sais maintenant, mon filleul. J'ai fait signe à Corinne que je m'absentais, que c'était urgent ; elle m'a fait un clin d'oeil, la main sur son ventre rond. Je vais être tata, encore une fois.

    Et on ne me le volera plus.

     

    Quand j'ai raccroché, je suis restée un peu dehors, pour prendre mon souffle et pour me dire que le cauchemar était fini. 

    J'ai enfin trouvé un job ; j'ai déménagé, j'ai racheté ma minnie rouge. Je n'ai pas récupéré une ancienne vie mais j'en ai construite une, cahin caha avec les miettes de ce qui me restait.

    Je m'en suis sortie, finalement. Il me manque toujours des souvenirs ; je vais découvrir mon passé pendant des années, je le sais. J'ai déblayé une bonne partie avec ma mère et avec la psy -son cabinet est devenu ma deuxième maison, c'est assez incroyable.

    L'air est frais, il caresse mon visage, je frissonne et pourtant, je repense à Anna, il y a un an presque exactement.

     

    -Sophie...

    Elle ne me regarde pas, elle ne regarde personne, je crois ; peut-être qu'elle pleure. Elle a même l'air de trembler et je me demande si je devrais être en colère.

    Ma mère l'est, mais d'une certaine façon, pas moi.

    On a désamorcé les bombes. Je suis triste, horrifiée, j'ai un grand trou dans ma cage thoracique ; mais la colère n'est pas encore installée. Pas encore.

    Il y a bien un tsunami qui fait rage à l'intérieur ; mais de volcan qui gronde. 

    Je suis terrassée par le passé et Anna bredouille :

    -Je ferais mieux d'y aller.

    Alors qu'elle tente de se lever maladroitement, ma mère la fusille du regard et l'attrape du bras ; elle est en colère pour moi.

    -Anna, je crois que le moment n'est pas à la lâcheté. Sauf si vous souhaitez rencontrer quelques policiers.

    Anna s'est figée et je l'ai vue, fragile comme une brindille ; la fille cassante et hautaine s'est évaporée. Et avec cette pensée, mon coeur s'est brisé. Nous sommes des bouts de papiers.

    Anna s'est rassise et j'ai soufflé. 

    D'un voix tremblante, elle s'est expliquée :

    -Quand tu as débarqué dans ma vie, tu avais toutes ces blessures ouvertes et pourtant tu étais tellement vivante. Je me suis reconnue dans ta douleur et ta colère -ma mère est partie quand j'avais six ans et mon père, mon père et moi, ça passait pas. Il m'a toujours reproché son départ.

    "On s'est rencontrées à la salle de sport. On a vite sympathisé ; et, aussi vite, tu es devenue tout ce que j'avais -enfin, c'est comme ça que je le voyais. Quand on a commencé à se disputer, j'ai eu peur, la trouille de ma vie ; j'allais pas encore perdre le diamant de ma vie ? J'ai pété un plomb, je t'ai droguée, tu as oublié.

    "Je m'étais pourtant promis de ne jamais recommencer, mais j'ai fini par avoir des problèmes d'argent, et tu ne voulais pas m'en prêter. Finalement, je t'ai convaincue de vendre ta minnie. Tu as dit que tu le ferais pour m'aider mais que tu ne me pardonnerais jamais. Ça ne m'a pas faire peur. J'ai dit ok. Et je t'ai droguée.

    "Et ce soir-là, ta mère m'a vue. Mais je ne le savais pas. J'ai recommencé, de temps en temps, pour des choses de plus en plus futiles -tu voulais rentrer tôt de soirée, alors que je m'éclatais, tu insistais pour prendre un taxi alors que j'étais bourrée et que je promettais de conduire- et ta mère est venue à la charge.

    "Elle a mené sa "petite enquête". Et elle t'en as parlé. J'ai perdu les pédales ; je ne pouvais pas te révéler ce que j'avais fait, quand même ? 

    "Alors j'ai recommencé.

    "A chaque fois, j'ai tenté des doses plus fortes. Et il y a deux jours, alors que tu étais bourrée, tu m'as dit "Anna, j'ai écrit quelque chose dans un carnet de notes, et ça m'a inquiété... J'y ai écrit que tu me droguais, parfois et que je perdais la mémoire. Je ne m'en souviens même pas. C'est vrai ?" Tu étais si mal et c'était si facile... J'ai tout fait disparaître en te raccompagnant chez toi et j'ai essayé une dose un peu plus forte.

    "J'ai dérapé, Sophie. Je voulais pas te perdre."

    Mes mots sont tombés dans une trappe, dans la faille qu'il y a quelque part entre ma trachée et mon estomac ; ses yeux bleus ont vacillé mais n'ont eu de cesse de soutenir mon regard.

    Alors, c'est comme ça qu'on dit à quelqu'un qu'on a probablement ruiné une partie de sa vie ? 

    J'ai pris note.

    La seule chose que j'ai réussi à prononcer, dans un filet de voix, ça a été "va-t-en, s'il te plaît".

    Elle s'est excusée d'une voix brisée, ma mère a parlé de procès et elle s'est retirée. Je suis restée, comme un lambeau, assise sur ma chaise.

     

    J'ai convaincu ma mère de ne pas poursuivre Anna en échange de ma promesse de ne pas la revoir. Pour l'instant, je m'y suis tenue. 

    Des bribes me sont revenues et je sais maintenant que nous avons eu une belle amitié. Je l'ai eu au téléphone une ou deux fois.

    Mais je ne suis pas prête à rester en contact.

    Alors, doucement, je rafistole mon coeur, mon moi intérieur qui déraille un peu, je reconstruis une vie loin de tout ça, une vie qui m'appartient ; avec Henri on se reparle même. C'est toujours un peu gêné mais on réapprend à s'aimer. Et je comprends aujourd'hui pourquoi j'étais amie avec Corinne ; c'est un ange.

    -C'est le dessert, tante Sophie !

    Et j'ai tourné le dos à mon passé ; même s'il risque de s'accrocher, obstinément, sur le bas de ma jambe, je veux voir le soleil se lever, et pas celui qui se couche, hein.

    J'ai encore du chemin. Mais je marche doucement vers mon avenir ; je finirai par le tenir au creux de mes mains.

     

    Maéli


    votre commentaire
  • J'ai dégluti.

    Il fallait bien que ça arrive, non ?

    Maman a levé les yeux vers elle, comme si elle la connaissait ; et d'une voix bien amère a dit :

    -Nous voilà au complet, je crois. Bonjour, Anna.

    -Bon, Sophie, tu fais quoi ? On y va.

    Je me suis retournée pour voir une brunette longiligne au visage fermée.

    -Anna, je pense pas que je vais vous rejoindre ce soir...

    -Hé, Sophie, c'est vraiment pas le moment de faire ta rabat-joie !

    Elle m'a brusquement attrapée par le bras pour m'embarquer. Surprise, j'ai trébuché en tombant de ma chaise. Finalement, j'ai tiré un grand coup sur son bras et elle s'est retournée. J'ai asséné :

    -Je ne te connais pas, Anna ! Alors sois tu viens t'asseoir avec nous et on en discute sois on ne se revoit jamais parce que j'arrive pas à te replacer.

    Elle m'a fixé, furieuse. Quand elle a compris que j'étais absolument sérieuse, elle a cédé, les sourcils froncés.

    -Je connaissais pas la So' qui donne des ordres.

    Et là, je me suis demandée qui j'ai bien pu être tout ce temps.

    "Quel honneur" a ironisé ma mère quand nous nous sommes assises autour de la table.

    -Oh, vous, s'il vous plaît, hein.

    -Et si ça ne me plaît pas ?

    L'animosité entre ces deux-là ne m'a pas paru d'aujourd'hui.

    -Vous vous connaissez ?

    Je les ai regardées, l'une après l'autre, un peu perdue. Naïa m'a servi son sourire qui dit que quelqu'un ici va tomber au piège de son propre jeu.

    -Mais bien sûr, Anna, tu peux lui raconter s'il te plaît ?

    Celle-ci n'a pas moufté.

    -Y a jamais rien eu à dire et vous le savez.

    Ma mère a mimé la surprisé.

    -Ah bon ?

    J'ai horreur quand elle joue l'idiote.

    -Maman, Anna, c'est vraiment quand vous voulez, je sais pas si vous êtes au courant.

    Saïa s'est assise bien au fond de sa chaise, contre son dossier avant de reprendre, les bras croisés :

    -Anna et moi avant un petit différend depuis le jour où j'ai compris que tes amnésies venaient d'elle.

    Sur mon visage, il y a écrit BLANK à cet instant ultime ; mes orbites se sont tout simplement vidés et ma bouche fait piste d'atterrissage pour tous les insectes alentours.

    -Comment dire ? Au bout de mes trois mois d'absence je suis allée frapper à ta porte. Tu avais déménagé. Et quand je suis allée chez Corinne et Henri il est apparu qu'ils se portaient très bien mais qu'a priori pas toi.

    "Après des fastidieuses recherches, je t'ai retrouvée. On a repris contact. Et, régulièrement, tu avais des "trous de mémoires". Rien de bien méchant, hein -elle a jeté un regard noir à Anna- deux, trois, parfois quatre jours. 

    "Alors j'ai enquêté. J'ai découvert que ta chère amie avait l'utilisation de je ne sais quelle drogue sur toi et je suis allée à sa rencontre. Evidemment, ça n'a pas marché. Alors c'est à toi que j'en ai parlé. Tu n'imagines pas combien de fois j'ai pu te l'expliquer. Mais Anna, elle, sait, puisqu'à chaque fois elle a recommencé.

    "Tu devais vraiment être désespérée de garder ma fille pour lui retirer deux ans de sa vie, ma petite."

    La vérité a explosé sur la table.

     

    Maéli

    Et c'est fini...


    4 commentaires
  • Je me rappelle d'une femme éclatante, élancée, lumineuse et voilà que cette femme est fripée, tassée, ses yeux tirent tirent pour laisser passer un peu de lumière. Il y a comme un filtre autour d'elle, comme si elle ne laissait plus si bien passer la lumière.

    Elle se cache sous son manteau noir et long, ses cheveux aussi sont teints en noir -où est passé l'auburn et les boucles ?-, elle me regarde avec deux yeux pleins de tendresse, mais deux yeux qui semblent pleurer en permanence.

    On tire deux chaises qui grincent sous la table, on s'assoit, se fixe ; et le silence attend, patiemment, entre nous, joue au pendu, rit. Dans son sac, il porte nos réponses.

    Mes prunelles, sont deux paniers trop pleins de questions.

    Maman lance une bouteille à la mer, pleine d'espoir : 

    -Alors, tu ne te souviens pas ?

    Je hoche la tête.

    J'ai les yeux brillants, ils pétillent et je savoure sur ma langue le son de sa voix.

    Naïa...

    -Sophie, ce n'est pas la première fois.

    Je déglutis difficilement.

    -Sophie, tu sors le soir avec tes nouveaux amis, et tu bois. Encore et encore ; ça vous amuse mais pas moi. Tu as vu dans quel état tu es ?

    J'avoue que je suis un peu perdue ; une enclume tombe dans mon estomac. Ma mère, ma mère que je n'ai pas vu depuis depuis...? me fait la leçon. Encore. Je n'en ai même aucun souvenir.

    Mais je me tais ; je l'ai mérité, non ?

    Elle doit bien savoir pourquoi je fais tout ça ?

    -Oui, j'ai disparu, Sophie. Trois mois. C'était le temps dont j'avais besoin pour me remettre de tous ces événements, Henri qui se mariait, moi qui vieillissait, toi, toujours incapable de prendre soin de toi. Ma solitude...

    "J'en avais besoin, Sophie. Et je t'ai appelé, un soir. Je t'ai dit de me retrouver à la gare, avant que je ne reparte voir un homme que j'avais rencontré. Tu es allée chercher Henri pour lui dire que tu m'avais enfin retrouvée, que j'étais revenue, pour lui dire de venir avec toi.

    " Mais il était tard et Henri a perdu ses moyens. Ça faisait beaucoup sur ses épaules, tu ne te rendais pas compte. Il était jeune marié avec un bébé, une femme à s'occuper, il souffrait de mon absence et tes frasques pesaient lourds.

    "Tu as passé la nuit à l'hôpital et tu lui en as toujours voulu parce que tu avais raté le rendez vous et qu'il ne te croyait pas"

    Une voix a interrompu ma mère, alors que ses mots volaient d'elle à moi, une voix que je ne voulais pas entendre, surtout pas maintenant :

    -Alors, on fait faux bond à sa meilleure amie ?

     

    Maéli


    votre commentaire
  • J'ai fini par trouver. J'ai le coeur battant, je piétine un peu, je crève d'envie d'entrer mais pourtant j'hésite, je me mordille la lèvre.

    Je suis un peu anxieuse, totalement excitée ; complètement terrifiée.

    J'essaie d'apercevoir ma maman, à travers cette porte en verre, je me tortille, dans l'espoir de voir ses boules brunes tomber sus ses épaules, ou bien son sourire ; qui adoucissait mes peines. Je l'imagine, avec son imper' beige et long qui ne la quittait jamais, son regard pénétrant et sa démarche qui faisait se retourner les hommes. Maman a ça de fascinant ; elle est belle, mais pas sublime et sans s'en rendre compte, elle dégage une lumière qui donne une irrésistible envie de se rapprocher.

    On veut tous se rapprocher de la lumière ; histoire de ne pas avoir froid, le soir.

    Et puis je souffle un bon coup et je rentre, décidée.

    En ouvrant la porte, une cloche carillonne et je me faufile entre les tables, le café est déjà plein de monde, des habitués sont accoudés au bar, des amis rient autour d'un verre aux tables, on entend comme un bourdonnement de fond et je cherche des yeux, je cherche des yeux ma mère.

    Je suis sur la pointe des pieds quand j'aperçois un visage féminin qui se dirige vers les toilettes. Son nom me frappe, comme un clou qu'on enfonce dans mon crâne. Anna.

    Je me baisse brusquement, je deviens rouge, et pour tout dire, je panique un peu. Si jamais je croise l'un d'entre et que je ne les reconnais pas ? Comment pourraient-ils prendre le fait que je préfère ma mère à eux ? 

    J'ai pas en vie de les voir...

    Et s'ils me trouvaient avant que je n'ai retrouvé ma mère, comment pourrais-je ne pas être coincée ?

    Alors, je me relève, prête à prendre les jambes à mon coup à la moindre alerte, le coeur galopant dans les ravins, je l'entends, du haut de la falaise, résonner insolemment.

    Quand une main se pose sur mon épaule. Je me fige et la pensée qui fuse "je suis prise au piège".

    -Sophie ?

    Elle est la voix un peu rauque, ou alors éraflée par le temps, je ne sais pas ; elle a la voix qui vient des profondeurs de mes souvenirs.

    J'ai la gorge nouée.

    Je suis muette.

    Je n'arrive pas à bouger.

    Et dans ma tête il y a cette pensée "je ne peux rien faire et elle va s'en aller, elle va s'en aller" cogne si fort sur mon crâne qu'elle m'en fait mal.

    La main se reserre, comme pour s'accrocher, comme pour dire, je suis là.

    -Sophie, tu ne veux pas qu'on prenne une table ?

    Sa voix, sa voix... Ce sont les rouleaux de la mer qui viennent s'échouer sur la plage, ce sont les douceurs des comptines d'enfance, ce sont les hurlements des disputes, et le baume sur un coeur fissuré par la tourmente.

    -Naïa ?

    Je ne reconnais pas ce son brisé qui sort de cordes vocales ; mais je l'ai dit. Je suis une statue qui attend.

    -Oui.

    Lentement, je me retourne.

    Le monde autour n'est plus, le bourdonnement n'est plus qu'un murmure, les éclats de rire des fourmillements, mes amis ne sont plus là, le monde tourne autour d'ici et maintenant.

    Et la femme que je vois est complètement différente de celle que j'ai connue.

     

    Maéli

    PS : On arrive à la fin :) (3 épisodes maximum je pense...)


    4 commentaires
  • Le monde est creux le monde résonne.

    Tout n'est que poussières et de l'autre côté, comme au bout du tunnel, c'est sa voix, c'est l'espoir qui me tient aux tripes me fige me statufie.

    Je ne respire plus et le temps s'est arrêté ; mon visage est blanc, c'est la page 404 error not found.

    Y a une voix qui dit c'est pas possible et une autre qui veut éclater en sanglots.

    -Allô ?

    Je veux me taire et l'écouter parler alors que l'horizon déroule sa couleur sombre et que doucement, les rêves des enfants plongent dans la brume du sommeil.

    Mais Naïa est là, à l'autre bout du fil.

    Si près que je pourrais la toucher et si loin, si loin mais bien là.

    -Naïa ?

    J'ai la voix qui tremble, qui craque, comme l'écorce dans la forêt en automne ; comme la fleur qu'on salue au printemps alors qu'on a si peur qu'elle s'envole...

    Je suis sur mon bout de trottoir, comme au bout du monde et la voix chaude de Naïa m'entoure et me réchauffe ; je n'aurais plus jamais froid.

    -Chériiiie...

    Elle soupire, soulagée.

    Je respire, l'air entre dans mes poumons, en ressort ; je suis un accordéon rafistolé.

    -Qu'est-ce qui se passe maman ?

    Un silence suspendu.

    -Sophie ? 

    Je la voit d'ici, froncer ses sourcils brun, un peu inquiète.

    -J'ai perdu la mémoire...

    Dans un souffle...

    Je croise les doigts, comme si elle allait me crier après !

    -Sophie, t'as recommencé ?

    -De quoi ?

    -Sophie, dans 20 min au Café du Coin. Il faut qu'on parle sérieusement.

    Son ton ne laisse pas le choix.

    Je la sens qui s'apprête à raccrocher.

    -Attends !

    Je la vois s'immobiliser à l'autre bout du fil.

    -Comment on y va ?

    Elle a ri.

    -8 rue des prés, chérie.

    Brusquement :

    -Attends maman !

    -Oui ?

    -Tu seras bien là ?

    L'espoir carillonne dans ma voix.

    -Toujours.

    Un souffle.

    J'ai pris le chemin du café.

     

    Maéli

    PS : de retour pour de bon 

     


    votre commentaire
  • Corinne est entrée dans la salle, je me levais déjà pour sortir. Dans un bruissement de manteau, de fauteuil, je lui ai dit : "Merci Corinne, merci"

    Au moment de lui faire la bise, elle m'a agrippée et m'a serrée contre elle, son murmure est parvenu à mon oreille : "Reviens-nous, Sophie, quand tu seras prête, reviens-nous."

    Mes yeux se sont mouillés.

    Je suis un navire et mon ancre s'est détachée et la mer veut sortir de moi. Corinne m'a soudainement lâchée et s'est reculée. Elle m'a raccompagnée jusqu'à la porte, dans son hall plein de cadres. Je me suis rappelée qu'elle pouvait passer des heures à chercher des cartes, des photos à encadrer ; peut-être avais-je même partagé certains de ces instants avec elle.

    Je suis sortie et j'ai regardé la pluie tomber. Le ciel est sombre, si sombre... 

    La nuit approche et j'ai intérêt à filer ; ma minnie me manque soudainement. 

    Je jette un coup d'oeil en arrière alors que je me suis lancée dans l'allée menant à la sortie du jardin. Corinne me regarde, partagée entre inquiétude et espoir. 

    Je souris.

    Elle me crie :

    -Prends soin de toi !

    Comment ai-je pu détester cette femme ?

    Je lui fais signe de la main.

     

    Le Café du Coin, j'étais persuadée de savoir où c'était, je ne sais presque rien. 

    20h approche, et je tourne en rond. Je suis une corde usée, si usée. Je sais pas si j'ai envie de savoir, je sais plus.

    Je peux faire demi-tour, tenter de retrouver la maison de Corinne, lui dire je veux retrouver ma vie d'avant, même si je ne m'en souviens pas, je veux retrouver notre amitié et la chaleur de vos présences aimantes à mes côtés.

    Je ne veux pas entendre la voix grinçante d'Anna ni l'entendre râler ; j'en ai marre de mes bêtises.

    Je veux pas savoir.

    Nan nan nan, c'est trop pour moi.

    Je m'assois sur le bord du trottoir.

    Je pense à ces noms ; Anna, Vincent, Matthieu. Oh, dire que je ne sais rien d'eux... Vu comment elle en parlait, Vincent doit même m'être cher. J'en rirais presque ; j'ai bien de fait de renoncer. Je lui dirais quoi ? "Salut, tu dois être Vincent, en fait j'en sais rien, on doit avoir couché ensemble des centaines de fois, oui, parce que je suis une fille facile et puis bah... tu dirais quoi qu'on fasse connaissance, qu'on s'abstienne et que je décide ce que je veux ?"

    Nan, c'est carrément ridicule.

    Mon téléphone vibre et la tentation est forte de le balancer ; c'est probablement Anna qui veut savoir où je suis, ce que je fais, ce qui va pas. Je souffle et décide de regarder l'écran.

    Je me fige.

    Ce coup de fil-là, je l'attendais pas.

    Pas du tout.

    Mécaniquement, je décroche. Je mets le téléphone près de mon oreille, et j'attends.

    Le monde s'effondre autour de moi.

    -Allô ?

     

    Maéli

    Désolée, je suis occupée, pour ne pas dire complètement dépassée ; tout redeviendra normal à la rentrée, promis ! En attendant, savourer cet épisode ;)


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique