• Hayden

    On sera bientôt morts après tout...

    Y a cette phrase qui tourne en rond dans ma tête, comme une sirène qui hurle, comme un requin prisonnier et qui donne des coups dans les murs, dans les barreaux, je deviens fou, je deviens fou, mais y a pas de sortie.

    Y a on instinct de survie qui crie, et je l'entends, oui, mais je peux rien y faire, à tout ça.

    On aurait pu y faire, avant. 

    Et elle est dans le même état que moi, Aela, voire pire, elle s'est levée, elle tourne en rond, elle fulmine et je sais que ça va passer, je sais qu'elle va user ses nerfs jusqu'à la corde, et qu'elle va revenir, au bord du précipice.

    Mais y a p'us rien à faire.

     

    Aela

    Cette obsession me ronge me ronge je suis souris, elle est fromage et elle est affamée.

    La peur entraîne la peur et se nourrit d'elle-même, j'arrive pas à briser le cercle, j'arrive pas j'arrive pas.

    J'ai envie de rire, parce que je me dis que si j'ai peur, ça veut dire que je suis en vie.

    Alors brusquement, les voix dans ma tête se taisent.

    Tout s'arrête, les pensées rentrent dans leurs alvéoles et cessent de frapper sur les parois de mon crâne, comme pour s'échapper.

    Tout se calme.

    D'un coup.

     

    Hayden

    Elle s'est arrêtée, mais moi je peux pas, ça commence à frapper, je vois double et je pense à une bouteille.

    J'ai la gorge sèche et c'est atrocement tentant.

    Une bouteille, et on aura tout oublié.

    "C'est pas raisonnable mon gars" et ce que je voudrais répondre à cette p'tite voix, c'est qu'elle a tout compris, c'est la chose la plus déraisonnable au monde, c'est totalement complètement entièrement, absolument, avec tous les adverbes qui expriment la totalité, déraisonnable.

    Je veux une bouteille.

    Je me rends pas compte, mais je l'ai gueulé, et Aela est devant moi, aussi. Je l'ai pas vue arriver, ni m'enlacer, elle comme le vent, qui m'enlace, qui me frôle, qui réchauffe et elle m'embrasse, comme aucune fille l'a jamais fait.

    Elle met le feu.

    Et d'un coup, quand j'ai rouvert le paupière, y a plus rien autour de moi, c'est désert, y a qu'un ange, dans mes bras, qui vient de m'embrasser, de cette façon qui veut dire je t'aime et qui refuse les promesses, et qui me dit :

    "Je veux voir la mer".

    Et toutes ces voix entrent en collision "mais ça va pas" "tu rêves" "putain, t'arrives à me surprendre" "moi, je dis, les gars, on ne sait pas où on va, alors on ne bouge pas de là, ok ?" "Mec, t'as jamais réussi à aller ailleurs que chez le boulanger, t'as jamais quitté ton trou paumé, et maintenant que tu es en plein milieu de l'inconnu, tu veux aller à la mer, nan mais, je rêve ?", elles se sont percutées, jusqu'à ce que je dise un :

    "Oui", les étoiles dans les yeux.

    J'adore être déraisonnable.

    Vous savez quoi ? Cette fille a le don de me faire rêver.

     

    Aela

    Je sais où on est, je sens les embruns, j'ai toujours été bonne en géo, et le panneau pas loin me dit que la mer, c'est par là.

    On a pris nos vélos, et on est partis pour ce qu'on imaginait pas être notre dernier tour.

     

    Hayden

    Et on y est arrivés.

     

    Aela

    Il fait une chaleur qui monte de plus en plus, mais avec Hayden, on fait semblant de l'ignorer.

    Les gouttes de sueur coulent le long de mes bras et la brise marine les rafraîchit, je souris.

    On arrête pas de boire, tous les deux, et je me dis qu'heureusement que ça ne va pas durer, parce qu'on va vite finir à bout d'eau, et qu'en plus, on a presque plus rien à manger.

    J'ai les yeux sensibles, c'est vrai, mais au fur et à mesure de la journée, la luminosité se fait plus forte ; je sais que si je lève les yeux au ciel, je pourrais deviner les contours de cette planète qui se dirige vers nous et qui va nous tuer.

    Et nous allons l'oublier.

     

    Hayden

    On avance mains dans la main, on court putain, et c'est si bon d'entendre son coeur battre, c'est si bon de se souvenir qu'on vit encore, que merde on est pas encore morts, que oui, le chrono s'arrêtera, mais que c'est pas pour autant qu'on se décomposera avant qu'il ne l'ai décidé.

    On envoie du sable partout autour de nous, qui se perd dans le vent, et quand on entre das l'eau, ça explose, cette sensation de bonheur qui s'échoue et qui fond sur ma peau, je suis en vie.

    Et je suis amoureux.

     

    Aela

    On s'est aimés dans la mer, on s'est aimés sur Terre.

    Merci.

    On a coupé les fils qui nous reliaient à nos inquiétudes, on s'est déconnectés de ce que vous appelez "le monde réel", y a quand laissant filer le temps, l'oubliant et l'habitant, qu'on a trouvé de le bonheur.

    On a cessé de penser au futur, parce qu'il est à la fois si certain et incertain.

    La planète jaune est venue heurter la Terre, en cette fin de journée, d'une année inconnue, dans un vent de chaleur, elle a ravagé nos coeurs, percuté des millions de vies ; elle a emmené deux amoureux aux cieux.

    Sa collision a permis la nôtre.

    Et la mort, c'est en aucun cas comme on peut l'imaginer.

     

    Maéli.

    Voilà, c'est le dernier, en espérant que vous ne soyez pas déçus ni trop déchirés :)

     


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  • Hayden

    Bon ok, j'vous fait pas un dessin, j'me suis envolé pour le paradis, dans les bras l'un de l'autre, à se découvrir, à s'explorer, à exploser nos cœurs et je suis toujours pas sûr que le mien tienne le coup, parce que les sentiments, ça me secoue.

    La nuit est arrivée, comme par surprise et on était deux innocents dans not'e sac de couchage à s'murmurer des fleurs qui fleurissent dans les cœurs, à s'embrasser pour pas oublier qu'l'amour tient chaud et à s'tenir l'un l'autre histoire de se souvenir que l'on existe.

    Apaisés, deux cœurs battent à l'unisson sous le dôme qui s'est rempli d'étoiles rien que pour nos deux prunelles...

    Le sommeil a emporté mes dernières pensées, sur une île inaccessible...

     

    Aela

    On est restés des heures à parler, à se réchauffer, et un voile est tombé sur sa voix et nous sommes tombés dans l'oubli ; apaisés.

    Je me suis réveillée, brusquement, paniquée, comme si le monde s'était écroulé, il ne restait rien, que de la poussière, mon coeur bat à cent à l'heure, maman j'ai si peur ; et je sais pas pourquoi.

    La lumière est éclatante, aveuglante ; il est quelle heure, au juste ?

    Je suis tombée comme un avion qui se crashe, dans la mer, je me noie, on est hors du temps et pourtant, il sonnera le gong.

    Ne plus être ?

    Est-ce qu'on aura mal ?

    Et c'est ça, on tombe sur quelqu'un à qui on tient, et il nous est arraché, brusquement, vous ne pouvez pas effacer ce trésor de l'équation du big bang, vous pouvez pas retirer Hayden, l'univers a besoin de lui pour tourner, c'est mon noyau, je suis qu'un électron qui gravite ; laissez-le vivre !

     J'ai jamais été bonne ni pour plaidoyer, ni pour écrire, ni pour rien du tout, en fait, sauf peut-être rêver et écouter d'la musique, mais si le monde m'écoutait deux minutes, je suis sûr qu'il pourrait prendre la mesure du désastre qui arrive.

    L'amour suffit bien à résumer ce que je pourrais pas argumenter ; l'amour pourrait le sauver, non ?

    Prenez leurs vies, surtout la mienne, gardez la sienne ici ; ou alors donnez-nous un refuge, je vous en prie, tout peut as partir en fumée, tout peut pas s'échapper, les phénix, ça existe en vrai ?

     Il est dans ma tête, dans mes veines, il est comme une artère qui pulserait et qui m'aiderait à respirer, comme une part de moi-même qui m'a toujours manqué, mais sous son manteau, c'est la meilleure partie de moi qu'il y a, rien de plus. Sauvez-là.

    Je ne veux pas de l'oubli. 

    Tu te rends compte, des milliards d'années et du jour au lendemain, plus rien ? Le vide, l'étincelle et le monde tournera aussi bien sans nous...

    Tu peux pas nous lâcher, l'univers, tu peux pas, tu nous a donné la vie, c'était pas censé arriver !

    C'était écrit, tout ça ?

    Et j'arrive pas à me calmer, c'est la folie dans ma tête, à quelle heure nous envolerons-nous, le paradis, ça existe, hein, c'est pas possible, leur histoire, tout ne peut pas se finir, les humains sont éternels et invincibles, rien ne doit nous atteindre, nous dominons la chaîne alimentaire, non, tout ça ne peut pas se transformer en rien en un clin d’œil et surtout pas maintenant !

     

    Hayden

    J'me réveille, un peu dans les nuages, et j'adore sentir cette présence...euh...censée être rassurante.

    J'ouvre une paupière, l'autre, la vaaache, la lumière est vive, me dites pas qu'il est treize heures, parce que là, je vous massacre des pigeons avec mon dernier stylo dans mon sac !

    Je me retourne, et peut-être que je prends la mesure du désordre dans sa tête. Peut-être.

    Même ma présence ne suffit plus à la rassurer.

    Elle est magnifique ; ses cheveux ressemblent à un tas de brindilles, elle a les yeux rougis et fuyants et on voit que ça la ronge, ça la grignote, ça utilise toutes les connections et qu'elle n'a plus qu'une obsession.

    Je comprends pas, mais je comprends.

    On sera bientôt morts, après tout.

     

    Maéli.


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  • Hayden

    Ok, j'aurais dû l'embrasser ; mais son regard m'a fait perdre l'équilibre.

    Ok, j'ai encore agit comme un con, ok ok ok je sais pas tenir mes promesses !

    Mes pensées passent leur temps à dérailler...

    Vous y croyez, vous, aux cas désespérés ?

    Et, en fait, j'ai fini par l'embrasser.

     

    Aela

    Sa bouche s'est posée contre la mienne, tendrement, comme un frôlement d'ailes de papillon et puis plus passionnément, comme un "je ne veux pas te perdre" murmuré au creux de mon oreille.

    Je me suis allumée comme une torche dans la nuit.

    Dans quarante huit heures, tout sera effacé, nos noms nos actions nos désirs nos interdits, nous ne serons que débris.

    Le monde est devenu électrique ; il a pris une autre saveur, une autre couleur.

    Et y avait ces oiseaux dans mon ventre qui dansaient la salsa ; on peut s'envoler, d'un baiser ?

     

    Hayden

    Redescend sur terre, mec.

    Elle a accepté de t'embrasser, tu te recules, tu la regardes avec tes yeux brillants, et tu vois.

    Si elle t'imite, c'est ok, tu n'es pas grillé, tu peux recommencer, tu peux te laisser aller, ok ? Mais seulement à cette condition !

    Bon, ok, c'est ce qui s'appelle amortir le choc.

    Mauvaises expériences obligent.

    Les coeurs à la dérive s'échouent bien trop souvent sur des rochers en pointes, sans repères.

    Le mien a carrément des tendances kamikazes, alors bon, si en plus de réussir à ramasser ses morceaux sans ramasse bourrier et garder ma dignité, franchement, j'apprécierai.

    Alors je m'assure.

     

    Aela

    Il s'est détaché de moi, et j'ai vu son regard chercher quelque chose dans le mien, peut-être qu'il y a ramassé quelques étoiles au passage, mais il a semblé soulagé.

    Peut-être qu'on va enfin faire les choses droites.

    Ou alors qu'on a tellement tordu le fil qu'on a gagné le droit de dessiner comme on veut not'e av'nir.

    J'ai ri, parce que c'était fini de tout vivre comme une épreuve.

    J'ai ri, parce qu'il fallait tout faire sortir, la peur la frustration les déceptions le futur ; juste remplir maintenant à l'en faire exploser.

    Il m'a embrassée à en enflammer Andromède.

    Peut-être que tout ne fait jamais que commencer.

    Il n'y a que des portes ouvertes...

     

    Maéli.

    Bon, ok je crains j'ai mis du temps, mais voilà la suite !

     


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  • Hayden

    Je l'ai vu prendre ma bouteille et boire au goulot.

    Y a cinq minutes, j'aurais aimé que ce soit moi, mais là, la seule chose que je veux, c'est que le temps s'arrête.

    Le temps s'arrête pour que je puisse le rembobiner, revenir à cet instant où j'ai pris ma première bouteille et je l'ai porté à mes lèvres ; parce qu'il y a des mots, marqués au fer rouge sur mon front, qui me brûlent.

    Ça peut pas finir comme ça.

    -Nan, mais tu fais quoi, Aela ?

    Elle a à peine eu regard pour moi.

    -Je me noie.

    Je parie que c'est la première fois qu'elle boit !

     

    Aela

    Il a du culot, quand même !

    Je m'en fous, je m'en fous, non ?

    C'est p'têt bien la dernière fois que je pourrais faire ça, alors, quelle importance ?

    Le mal, le bien, tout est flouté et puis qui a dit qu'on avait pas l'droit ??

    Dans ces circonstances, premières et dernières fois s'emmêlent les pattes, je vais me casser la gueule, et ça fait mal le goudron, et les pansements sont dans la petite armoire à pharmacie, au dessus de l'évier, dans la salle de bain.

    De grosses larmes coulent sur mes joues, et je sais pas où je suis, rien ne protège plus de rien, les barrières ont sauté, alors autant faire sauter les dernières avec les mines qu'y a dans ma tête, et puis cette bouteille va m'y aider, et Ayden est là et même certainement pas, alors, au fond...

     

    Hayden

    Bon, j'ai pris plein d'air dans mes poumons et j'ai gueulé un bon coup :

    -Tu fous quoi, exactement là ?!?

    Elle a haussé les épaules et elle m'a regardé droit dans les yeux, et je vous promets que les siens sont renversants ; et remplis de larmes, elle semble juste...vulnérable.

    -Je bois.

    Je lui ai pris la bouteille des mains.

    Ok, j'ai un peu des pulsions violentes, mais je suis plus où moins en colère, là. 

    -Tu peux pas !

    Elle a levé son regard vers moi, longtemps, et j'ai vu son désarroi, et je sais que y avait pas de navire, mais c'est moi qui sait pas nager, non ?

    Je suis entrain de la gronder comme une gosse de quatre ans, merde, il faut que je m'enterre, là, tout de suite !

    Elle a attendu l'engueulade, mais j'ai décidé que c'était fini de faire le con, alors je l'ai juste prise dans mes bras.

    Elle s'est mise à sangloter, elle a mouillé mon tee-shirt, mais elle me tient chaud, au moins, et j'aime bien son odeur, elle est enivrante et j'aime bien me dire que je peux la protéger, un peu, du monde extérieur ; et tout ça, ça me donne envie de l'enfouir sous mes grand bras et mon sweat gigantesque.

    Ça me donne envie de l'embrasser.

    Ça me donne envie de me mettre à genoux devant cette planète naine qu'a tout foutu en l'air mais qu'a permis notre rencontre et de la supplier. J'veux lui dire allez, prends tout tout ce que j'ai, mais laisse la vivre, je t'en prie, elle est si fragile, elle est si jolie, j't'en prie, j'suis tombé amoureux d'elle ; une vie pour une vie, c'est juste, ça ?

    Ce s'rait bien la première fois que je ne tricherai pas.

    Mais elle prendra tout, c'te planète, et au fond, elle a pas tort, on a fait assez de merdes comme ça, fallait bien que ça s'arrête un jour.

    Même si y a bien des trucs qui font la différence, des trucs qui rallument la flamme, des trucs qui nous rendent vivants et qui font pas de nous des détritus sur pattes, mais bien des gars et des filles formidables.

    J'lui ai murmuré à Aela, pourquoi j'étais en colère, pourquoi j'ai déraillé, rien qu'à l'idée d'la voir avec cette bouteille ; c'est pas l'idée qu'elle boive, je m'en fous, si elle prend soin d'elle :

    -J'veux pas qu'tu deviennes comme moi, c'est tout.

    Et c'est pas l'moment d'oublier, faut qu'elle se souvienne de nos deux derniers jours, ensemble.

    J'veux qu'elle se souvienne de nous.

    Et de c'que ça peut-être le bonheur. Et l'amour.

    Parce que oui, j'ai décidé d'arrêter d'agir comme un con. Et comme un lâche, aussi.

    J'vais aller choper ce bonheur.

     

    Maéli.


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  • Aela 

    -Tu m'dois la vérité, tu crois pas ?

    Il m'a lancé un regard, un de ceux qui viennent des abysses, de ses abysses à lui. J'ai vu le vide.

    J'ai dégluti. Y a toujours des choses que j'ai préféré ne pas savoir ; et celle-là ?

    Tout va et vient, même les sentiments ; et peut-être que j'aurais renoncé à savoir, peut-être que je l'aurais pris dans mes bras.

     Sa voix est descendue d'outre-tombe pour se déposer dans mes oreilles, s'infiltrer dans mes tympans et défoncer mon coeur à coups d'pierre ; la douleur des autres qui vous déchire.

    Il a gardé le regard fixé sur l'horizon, et au fond, je comprends.

    Parce que quand on parle de choses qui nous touchent aussi profond, montrer ses yeux, c'est comme oublier de restituer la moitié, montrer ses yeux, c'est comme donner son âme ; comme si les mots ne suffisaient pas.

     

    Hayden

    Une fois qu'on a commencé, tout part. C'est comme une bouteille dont j'ai retiré le bouchon et le courant m'empêche de la refermer, je ne panique pas, mais il va falloir que je m'arrête ; mais ça fait tellement du bien, alors peut-être que cette fois, je vais peut-être laisser tomber les barrières.

    P'têt bien que mamie avait raison, que les rencontres sont comme les secondes, des deuxièmes chances, des renouveaux, qui vous transforment, et vous laissent sur le rivage ; différents.

    J'lui ai tout balancé sur la p'tite dame. L'apocalypse l'a rendue folle. Ou pas. Folle de peur, en fait. Ces chances qu'on attend toute not'e vie, quand le compteur affiche trois jours, c'est normal qu'on panique, qu'on pique, qu'on débloque.

    A la fois c'est stupide, à la fois ça me brise.

    Cette p'tite dame ressemblait tellement à ma mère et j'ai écrasé mon poing sur son visage, vous imaginez ?

    Raaah ma violence me détruit, il me faut une gorgée.

    Non, toute cette douleur me démonte, comment on s'en sort ?

    D'habitude, j'avais ma bouteille.

    Mais là, c'est Aela qui l'a.

     

    Aela

    C'est fou comme la peur déforme tout.

    Comme la distance, en un sens.

    La p'tite dame voulait une nuit avec lui.

    Ça n'a pas de sens, mais les règles se sont évaporées, dès que sept jours ont été annoncés. Sept jours pour s'assurer que notre vie vaut la peine d'êt'e vécue, si on a pas commencé avant, c'est un peu la cata...

    Cette douleur en lui m'a brisé, la douleur que porte ce monde m'a brisée ; je me suis écrasée sur un mur et mes morceaux ont dégringolé, comme des milliers de bouts de verre...

    C'est comme si on venait de s'exploser sur un rocher, et au fond, on est deux naufragés, au milieu de la tempête et personne viendra nous chercher. Personne viendra nous demander si ça va, personne nous demand'ra, où tu vas ? Parce qu'il n'y a que maintenant, parce que les heures qu'il nous reste tournent et s'en vont sans que rien ne les retienne.

    Alors, j'ai pris la bouteille et j'ai décidé de m'échouer.

     

    Maéli.


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  • Aela

    Le silence m'a niquée, faut l'dire.

    Son absence, aussi.

    Et le temps qui fait vaciller la confiance. Pourquoi faut-il qu'on doute toujours des autres ?

    Je sais pas.

     

    Hayden 

    Nan mais qu'est-ce qui lui a pris ??

    Nan mais les gens, des fois...

    J'ai ouvert en grand la porte et j'ai pris Aela par les bras et je l'ai tirée d'là, j'ai crié, allez on s'en va et je vous promets que cette porte, je vous l'aurais défoncée.

    Nan mais c'te mémé, j'vous promets !

    On est sortis, je tire presque Aela derrière moi, mais j'suis tellement furax que je m'en fous, en fait, je m'en contrefous, c'est pas contre elle, c'est contre moi, la vie et puis c'te dame ; et  aussi ma naïveté, un peu.

    J'ai enfourché mon vélo et je me suis mis à pédaler comme un fou, comme si le monde tournait sous mes roues ; fallait qu'ça sorte, fallait qu'ça m'quitte.

    Aela a rien dit, elle m'a suivi. Je peux même p'us la regarder en face.

    Merde, quoi !

     

    Aela

    Je comprends p'us rien.

    Ça m'a épuisée, c't'histoire, j'veux même pas savoir ce qui s'est passé, j'veux arrêter de pédaler, je veux arrêter de courir.

    Mais fuck, là c'qu'on fait c'est fuir !

    Moi j'pensais qu'on en aurait fini avec tout ça. Tout ça ? Cette putain de basesse humaine.

    Et les barrières sont tombées. J'ai commencé à pleurer.

    Et puis je me suis arrêté.

     

    Hayden

    D'abord, j'ai pas compris. Je vous ai dit, je mets du temps à piger.

    Mais sa présence a fini par me manquer. J'ai jeté un coup d'oeil derrière mon épaule. Elle était censée êt'e là. J'ai eu peur et puis je me suis énervé, mais merde je fais tout à l'envers !

    Une vieille voix bien vache m'a gentiment suggéré de continuer, que j'avais pas besoin d'elle, et puis j'avais ma bouteille et soixante douze heures à tuer, nikel ; je vous promets que j'aurais arraché les yeux de cette voix !

    Et j'ai fait demi tour.

    Elle était bien là, en fait, recroquevillée sur elle-même, les yeux dans le vide, à grelotter ; une vague de honte m'a emporté, je me serais enterré dix pieds sous terre, et je voulais l'abandonner ! Mais je suis fou !

    Nan, on va s'arrêter là, fou de quoi, de qui et tout ça ; me dites pas qu'elle retournera à la poussière. Pas elle, pas un diamant comme ça, elle est si belle dans cette après-midi, elle est si belle quand elle a peur, quand elle rit, quand elle s'énerve, quand elle vit, quand elle dort.

    On a dit, stop !

     

    Aela

    Il est revenu.

    Je suis soulagée et puis, j'ai plus la force d'être en colère.

    Il sait pas quoi dire. Tant mieux. Et il a jamais été à l'aise avec le silence. Et bah tant pis pour lui.

    Il dira pas "ça va ?", il est pas bête et puis je suis partie dans mes pensées, j'ai senti son épaule contre la mienne, j'ai entendu son sac s'ouvrir et puis j'ai vu qu'il buvait. 

    J'ai pas vu quoi.

    En fait, je m'en fous. Il aurait dû essayer de comprendre.

    Mais merde pourquoi on est si égocentrique ?! Il a posé la bouteille, il m'a jeté un regard, je suis restée de glace, j'ai cru que j'allais le perdre, il est rev'nu au moins, j'ai attendu des heures dans le noir, non, c'est dev'nu trop dur.

    J'me suis prise trop de taule en amour, si i' s'y met, j'suis finie.

    C'est bien, la mort approche.

    Et il a repris un bon coup devant mon apparente indifférence.

    Je suis bête.

    Je me suis levée, je lui ai pris la bouteille des mains, et j'aurais voulu le frapper.

    Mais merde, il se noie, je me noie et je veux le frapper, je devrais p'têtre en prendre un peu d'sa vodka au lieu de piquer une crise, comme ça, et puis ça a été trop fort, ce combat, en moi, je me déchire sans arrêt en deux ; je suis pas une feuille de papier.

    Je lui ai lancé un regard. 

    Il faut qu'il comprenne que je suis perdue sans lui.

    Qu'i' faut qu'on avance ensemble. Sinon, je vais tomber de la balançoire.

    Et ça risque de faire mal.

     

    Hayden

    Elle m'en veut. Son regard me lacère le coeur.

    Ses yeux, c'est mon univers ; mais sa douleur, ce sont mes fers.

    Je ricane, je ricane, je suis con, en fait.

    Je suis pas capable d'aimer, je suis pas capable de lui montrer, je suis pas capable de tenir debout, de prendre soin d'elle ; je suis capable de me foirer, par contre. Ça je vous promets, je sais faire.

    C'est dans mes cordes, parfait. Y a même pas besoin d'viser ni rien, c'est inné.

    Et en plus je me nique. Aha on a même pas besoin des gens pour nous étriper, on le fait très bien nous-mêmes ; et c'est ça qu'on voit dans l'miroir, après.

    J'ai envie de lui dire mais tu comprends pas, mais si je lui dis rien, c'est normal ; alors je sors la vérité. Mais pas tout. Je veux pas parler. Pas de ça, pas maintenant. 

    Même si je crois que ce serait bien la seule qui pourrait comprendre.

    C'est bête, comme raisonnement, je vous l'admets ; c'est lâche, aussi. Mais les humains des fois...

    Excuse universelle des lâches, mais si vous voulez vous protéger de n'importe quoi, elle est blindée, je vous l'promets.

    -C'est la p'tite dame.

     

    Aela

    Et ça m'est tombé sur la tête.

    -Qu'est-ce qui s'est passé ?

    Quand quelqu'un dans c't'état vous raconte ça, je vous promets que vous flippez à mort. Toutes les pensées ont fusé dans ma tête, les peurs s'en sont mêlées, ont tout emberlifiquoté, son ancienne colère y a ajouté son grain d'sel et puis ce truc, là, dans ces yeux, a fini d'emballer la machine.

    -Qu'est-ce que tu lui as fait ??

    Pourquoi on finit toujours par douter, même de ceux qu'on aime ?

     

    Maéli.

    La suite ;)


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