• 3_A l'aventure

    J-5

     

    Je me lève avec le soleil.

    Embarque mon sac, mon repas, mes économies, sort, souffle et ferme la porte. J’ai les larmes aux yeux.

    Mais je n’ai plus peur, je sais où je vais.

    Quand vous savez que la mort vous attend, que vous savez quand mais que vous ignorez comment ; sachez qu’il n’y a rien de plus terrifiant que le comment.

    J’enfourche mon vélo et je pars.

    D’abord à fond, histoire de tout laisser derrière, de partir le plus vite, de sentir le vent hurler dans mes oreilles ; mais avec la sueur, la colère fuit, sur la pointe des pieds, comme une voleuse.

    La peur, la colère et la douleur, ce sont toutes les mêmes au final : quand vous croyez vous en être débarrassées, elles reviennent deux fois plus vite qu’avant, deux fois plus tenaces qu’avant. Mais sachez, mes belles, que je ne lâcherai pour rien au monde ce bout de paix qui accompagne mes pieds qui pédalent et mon cœur qui fredonne.

     

    J’ignore jusqu’où je pourrai aller, comme ça.

    A vélo, avec trois p’tits pout d’pain, un paquet de biscuits, trois bouteilles d’eau, du saucisson et une p’tite couverture ; combien de temps, je pourrai tenir.

    Une p’tite voix s’entête à me murmurer « t’es dingue, ma p’tite, tu mourras jamais, tu le sais. Rien n’est réel. Rentre chez toi, va au lycée, fais tes études, t’auras un av’nir. Tu cours à ta perte, idiote ! ».

    Je ricane.

    Vous savez quoi ??

    Je m’en fiche.

    Maintenant que je tiens ma chance au creux d’ma main, j’vais aller au bout de ce rêve de p’tite fille : faire le tour du monde à vélo, sans un sou. Alors peu importe si les rues sont quasiment vides, peu importe si je ne finis jamais ce tour, peu importe si tout n’était que mensonge.

    Avec un peu de volonté, personne ne peut m’arrêter.

    Finalement, quoi de plus irréel que l’avenir ?

    Maintenant que je sais de combien de jours il est fait, à moi d’en profiter à m’en défoncer ; à moi d’choisir d’mourir d’une overdose de vie.

    C’est qu’un pauv’ bout d’métal avec des roues, mon vélo, pourtant c’est l’instrument de tout mon chemin.

    Mes pensées vagabondent, et je file pendant que le soleil poursuit son ascension, là-haut dans le ciel.

    A son zénith, je pose pieds à terre.

    Je scrute l’horizon, à la recherche du moindre mouvement, du moindre signe de vie ; où les gens ?

    Je me sens seule sur une Terre, qui d’un coup, me devient hostile.

    J’avance, doucement, mon vélo à mes côtés, le regard furtif, les yeux qui passent de droite à gauche, traverse une ville et m’arrête dans un parc, le cœur battant.

    Mais je deviens parano ou quoi ??

    Ça frise le franchement stupide !

    Je me murmure les paroles de Kurt Cobain pour me redonner courage : « Come as you are.. as you were.. » ; le monde n’est plus que la brise qui souffle et les mots de Kurt Cobain qui hurlent, dans mon cœur : « That I don’t have a gun » !

    Où me mènera donc cette histoire ?

    Je ferme les yeux, cesse de crier et m’assois sur l’herbe ; le monde me fiche la peur, la peur a foutu l’camp reste plus que moi et la solitude qui s’installe, confortablement, dans mon cœur.

    Et, un craquement me parvient.

    Je sursaute, ouvre les yeux, paniquée ; quand, la brise me répond « as I want you to be…as a friend… ».

    Oh mon Dieu…

    J’ai fermé les yeux, Cobain sans la guitare derrière.

    Des bruits de pas sur le sol.

    J’ai un deuxième sursaut, et me relève ; mais qu’est-ce qui me prend ?

    « C’est pas parce qu’un gars à la voix de ton Kurt, Aela, que tu dois fermer les yeux, mince quoi ! Tu veux te faire tuer, ou quoi ??! », c’est la voix d’Emy, ma mère qui résonne dans mon crâne, et pour une fois, elle n’a pas tort.

    J’aperçois deux yeux moqueurs et un sourire narquois qui sortent de derrière un arbre :

    -Je t’ai fait peur ?

    Je reprends tout mon aplomb et réplique :

    -Absolument pas.

    -J’en suis désolé.

    Et son sourire railleur dément ses propos.

    -Tu veux quoi ? j’attaque.

    -Et toi ?

    Haussement de sourcils hautain. Nan mais il se prend pour qui, c’lui-là ?!

    -J’ai posé la question en premier.

    Je plante mon regard dans ses deux prunelles. Bleues sombres comme la mer un jour de tempête. Prêtes à faire chavirer le radeau qui navigue dessus.

    Wow, Aela, baisse les yeux ; c’est pas l’moment de finir noyer.

    -J’ai quand même le droit de savoir ce que tu fais dans mon jardin, non ?

    Horripilant !

    J’efface toute pensée qui a pu être gentille sur lui.

    Je suis même obligée de me tordre le cou pour le regarder dans les yeux. Raaaaaaaaaaah pourquoi suis-je si petite ?

    -Bon, on laisse tomber cette question. Tes capacités de réflexion me semblent trop limitées pour cette question.

    -Méfie-toi, monsieur l’arrogant !

    Encore un haussement de sourcils. Raaaah et je fais demi-tour pour le planter là.

    J’ai à peine fais dix mètres que je regrette.

    Et mince !

    Deux minutes que je le connais et tout m’attire vers lui.

    Je fais demi-tour, encore plus furax que quand j’étais partie de son « jardin ».

    -Alors, on a changé d’avis, melle … ?

    -Aela. Et non.

     

    Maéli.

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