• 7.. Transparence

    La transparence monte, monte monte.

    Je cours tellement vite que les arbres sont flous et je frotte mon bras, pour tenter de faire disparaître cette tache qui signe ma fin, mais elle veut pas partir, elle s’accroche, elle s’étend.

    Pourquoi est-elle si pressée ?

    La panique s’est emparée de moi depuis que j’ai commencé à comprendre. A me souvenir qu’on m’a  maudite ; c’est ironique, hein, j’ai failli oublier.

    Les paroles de la prêtresse qui accompagnent la malédiction sont celles-ci :

    « Le jour où tu te perdras, si la folie t’emporte, si tu perds tout sens ; si tu perds la tête, tu viendras à disparaître à tes propres yeux.

    Ainsi ta condamnation au bûcher sera prononcée. »

    Chaque fois, la malédiction est différente, mais la sentence, identique.

    Et ma fin approche, je disparais, à chaque pas je m’efface, je trébuche, la respiration heurtée, je ne vois plus mes bras, je me gratte gratte, je la sens monter cette transparence qui s’attaque à mon cou et à ma poitrine.

    J’ai peur.

    Non, en fait, je suis terrifiée.

    Terrifiée de finir en âme errante, incapable de retrouver sa place dans le Ciel parce que j’ai été maudite.

    Et je file dans cette forêt pourchassée par une malédiction qui me colle à la peau et qui refuse de se détacher.

    D’un coup, deux mains m’empoignent, m’attrapent par la taille, il se jette sur moi, nous tombons, nous roulons dans les feuilles d’automne, le monde est rouge et moi je me gomme de cette Terre, je vous en prie.

    On heurte un tronc, et, tout s’arrête.

    Il m’écrase, j’ai la tête qui tourne et je décide d’ouvrir les yeux.

    Un cri m’échappe.

    Son regard bouleversé croise le mien et je vois un monde en miettes et des questions qui lui vrillent la tête. Mon cœur chavire.

    Il pose sa tête contre mon cou, le temps de deux secondes.

    Mon cœur bat bat bat.

    Il emplit l’air, il gonfle.

    Il est comme un oiseau qui bat des ailes et qui s’apprête à s’échapper de ma cage thoracique.

    Et, comme un murmure du vent, la voix de Julian dépose au creux de mon oreille : « Pars pas ».

     

    D’un coup, il se lève et par en courant.

    Mais peu importe car, doucement,  la plénitude m’emplit.

    Son murmure aurait pu ne jamais exister mais me voilà apaisée.

    Je suis bien en vie.

     

    Mon compagnon de cette soirée se jette à mon côté, dérape sur les feuilles, m’attrape les bras et j’ébauche un sourire devant sa surprise.

    Il se gratte la tête :

    -Va falloir qu’on m’explique. Maintenant, tu réapparais.

    Il a l’air sincèrement embêté. Je lance, moqueuse :

    -Faudra t’habituer.

    Un sourire traverse son visage et je remarque ses deux beaux yeux bleus :

    -Première victoire. J’ai réussi à arracher deux mots à une fille fantôme.

    Je le fusille du regard.

    -En plus, elle mord.

    Il rigole et j’ai envie de lui sauter dessus et de l’étrangler.

    D’un coup, il a repris son sérieux et m’a tendu sa main :

    -Will.

    Je l’ai prise pour me relever.

    -Vaillant chevalier, éternellement vôtre, miss fantôme.

    Il a esquissé une révérence évitant du même coup mon poing.

    Il a commencé à marcher et je l’ai suivi.

    J’allais pas rester là.

    -Comment dois-je vous nommer, très chère ?

    Comment un gars pouvait-il être aussi bizarre ?

    D’un coup, il vous débitait toute sa vie à la vitesse du vent les jours de tempête et l’autre il vous parlait comme à une dame du XVème siècle.

    J’ai haussé les sourcils.

    -Pas convaincue ?

    -Non.

    -Tu t’appelles comment ?

    J’ai eu un trou de mémoire.

    Je me suis recroquevillée sur moi-même.

    Je ne me souviens plus de mon prénom.

    Will me regarde, intrigué et moi, je lui rends son regard, affolée.

    -Tu vas pas recommencer à disparaître, hein ?

    Et j’éclate d’un rire cristallin, je crois que ce mec est complètement dingue mais je m’en fous.

    -Non.

    Et comme un éclair, il m’est revenu.

    -Je m’appelle Elizabeth.

     

    Maéli.

    « Grain de sableAndromède »

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