• 8..Dis-moi

    Pour la première fois, j'ai bien dormi.

    Je m'étire avec le soleil du matin et décide de sortir.

    A peine ai-je fait un pas à l'extérieur qu'une voix me lance, comme une provocation :

    -Miss Fantôme...

    Il affiche un sourire narquois accompagné d’une courbette.

    Le maître de l’ironie.

    Je le prends de court en lui rendant sa courbette :

    -Seigneur Willi..

    Il a eu un sursaut avant de me lancer un regarde noir :

    -Hors de question. C’est moche Willi.

    Il a croisé les bras, boudeur.

    -Et puis, j’ai l’impression d’avoir quatre ans.

    Je vous jure que personne n’aurait pu décrocher mon sourire !

    Je lui ai fait le regard le plus charmeur que j’ai pu avant de lancer :

    -Tu m’emmènes manger, Williiii ??

    Il est soudain devenu grave.

    -Tu devrais arrêter, Miss Fantôme.

    J’ai haussé un sourcil.

    -Tes pouvoirs sont trop grands. Je crains de ne pouvoir y résister.

    J’ai baissé le regard, rouge comme le soleil couchant.

    Qu’est-ce qui me prend ?

    Mon père m’a toujours dit « le charme d’une femme est l’arme la plus dangereuse qui soit ».

    Et moi…

    -Allez-viens, Elizabeth, on y va.

    Il m’a gratifiée d’un clin d’œil complice.

    -Je ne voudrai pas me faire manger par un Fantôme affamée.

    -T’as raison, ne prend pas de risques.

    Je souris tellement que je me demande si je ne vais pas finir par rester coincée ; mais au fond je prie pour que ça ne s’arrête jamais.

    Will m’emmène jusqu’à une place circulaire avec des tables en bois disposées de-ci de-là et m’explique que dans la communauté, le travail est partagé équitablement et que celles qui aiment cuisiner sont dans les cuisines, un bâtiment qui ressemble à une grange ; et que c’est à elles qu’il faut que je m’adresse si j’ai faim. Ses yeux brillent quand il me dit qu’elles aiment tellement ce qu’elles font qu’elles restent généralement la journée devant leur fourneau.

    Il ajoute que je devrai bientôt travailler mais que je n’ai pas à m’en faire.

    -Je serai toujours là si tu as besoin Miss Fantôme.

     

    Les jours suivants se sont passés comme identiques à celui-là.

    Pleins de sourire, dans ma petite bulle, avec Willi qui me fait découvrir son monde.

    Sans embûches, obstacles ou quoi que ce soit qui puisse me rappeler une ancienne réalité et ma malédiction.

    Aussi, peut-être parce que je ne l’ai pas revu.

     

    Jusqu’à ce jour.

    Will est arrivé, le front plissé par les soucis. Plusieurs jours qu’il me revient comme ça du Conseil.

    Parce que oui, il travaille au Conseil.

    -Qu’est-ce qui ne va pas Will ?

    Il a sautillé, ma gratifié d’un sourire moqueur, mais ses yeux n’ont pas souri :

    -Tu ne m’as pas appelé Willi !!!

    Et c’était reparti.

    -Seconde victoire dans le duel Miss Fantôme vs Willi. Va falloir se réveiller, Elizabeth, ou je vais te mettre la pâté !!

    Il tente de faire bonne figure mais je sais que ce n’est pas mon Willi qui est devant moi.

    Il a la tête ailleurs.

    -Will, dis-moi ce qui ne va pas.

    Il a baissé le regard.

    Will, ne fais pas ça, ne me fuis pas.

    Je t’en prie.

    -Allons-nous promener.

    -Non, Will. J’ai besoin de savoir.

    Et d’une toute petite voix, j’ai lâché :

    -C’est chez moi, ici maintenant.

    -Viens ! Tu sauras, mais suis-moi.

    Sa voix devenue glaciale m’a frigorifiée.

    Jamais Will ne m’avait parlé ainsi.

    Je lui ai emboité le pas. Le silence pèse et je voudrai être seule. Me voilà prise par une envie de pleurer. Violente, impossible de lutter.

    Longtemps nous marchons, nous nous enfonçons dans les bois.

    D’un coup, je me suis arrêtée et recroquevillée. Will ne devait pas me voir pleurer.

    Will m’avait blessée.

    Croit-il que je n’entends pas les murmures sur mon passage ? Les gens qui se retournent, certains regards méfiants ? Croit-il que je n’ai pas compris que l’on parle de moi ??

    Ne sait-il pas qu’il est la seule personne qui est jamais compté pour moi ?

    A cette pensée, l’image de Julian est entrée, elle a forcé mes barrages, pris d’assaut ma forteresse et les larmes ont déferlé.

    Aucun barrage n’aurait pu les retenir.

    Deux pas. Deux mains qui tentent de pousser les miennes et ma voix :

    -Va-t-en !

    -Nan.

    Il s’est assis à côté de moi.

    -Je t’ai dit de t’en aller !

    -Mais je le ferais pas.

    -Et pourquoi ??

    Il a soufflé.

    -Parce que c’est de ma faute, Miss Fantôme.

    J’ai levé la tête pour le regarder.

    -J’prends pas assez soin de toi, Miss Fantôme.

    J’ai fait non de la tête et lâché :

    -Dis pas de bêtises, Will. J’ai besoin de personne.

    Un éclair de douleur est passé dans ses yeux et j’ai attendu la foudre mais il n’a fait que dire :

    -Dis pas ça, Elizabeth, dis pas ça. On n’est rien sans les autres. Pardonne-moi, Miss Fantôme.

    Il m’a pris dans ses bras et je me suis remise à pleurer.

    Je peux plus m’arrêter. C’est comme un ruisseau qui déterre tout ce que j’avais minutieusement enterré ; toutes ces années derrière le Mur, la pauvreté, la perte de mon seul allié, mon père, et puis Julian, Will et ce monde si dur.

    -Eh ben.. Miss Fantôme, c’est quand la dernière fois que t’as pleuré ?

    -Je m’en souviens pas. Tout est resté là, je lui ai montré mon cœur.

    J’ai reniflé, j’ai bien chaud dans ses bras, avant de lui demander :

    -Et toi, Willi ?

    -Le jour où j’ai compris que j’étais coincé derrière ce Mur et que j’avais perdu mon meilleur ami.

    Le silence a emplit l’air et il m’a dit, droit dans les yeux :

    -Elizabeth, je ne veux pas te perdre. Alors, je vais tout te dire ; mais lève-toi, Miss Fantôme sauf si tu rêves de te transformer en glaçon.

    Willi m’a tendu la main pour m’aider :

    -Votre chevalier servant.

    Je l’ai gratifié d’un petit sourire :

    -Miss Fantôme pour vous servir.

    -Arrête toi t’es plus Miss Fantôme aux Mille Caprices.

    -Maiiiiiiiiiiiiiis euuuh je t’interdis !!

    Et il a commencé à courir en riant pour esquiver mes coups.

    -Attention à toi si je t’attraaaaaaaape je t’étripe !!

    Envolées mes larmes, disparus cette atmosphère qui nous pesait.

    Puis, Will a stoppé, nous sommes revenus sur le chemin et il a lâché :

    -Tu vas peut-être rentrer.

    Je suis restée stupéfaite.

    -Mais Zia avait promis à Julian…

    Il a ricané.

    -Les promesses de Zia ne valent rien. Elle a anéanti Julian avec leur rupture. Il n’est pas en état de te défendre correctement.

    -Et les autres ?

    Il m’a observé, triste.

    -Tu sais, nous sommes sur le pied de guerre. Nous pensions déjà que les Patrouilleurs ont réussi à nous localiser et Zia est persuadée que tu es leur espion. Alors, à l’heure où nous nous préparions une stratégie et où le pouvoir de Zia se renforce sur le Conseil, ton arrivée est mal tombée.

    -Et toi ?

    -Je fais ce que je peux, je te promets. Je vais y arriver. Mais si seulement Julian pouvait m’aider…

    Nos pas frappent le sol, doucement, d’un même pas et nos esprits pensifs comblent le silence.

    -Il a disparu depuis quatre jours.

    J’ai fait volte-face :

    -Quoi ?!?

    Will m’a dévisagée. J’avais hurlé.

    Mon cœur bat à cent à l’heure.

    -Je ne veux pas rentrer chez moi, et s’il est notre seule chance…

    Je m’en veux je m’en veux je m’en veux.

    C’est pitoyable de se justifier.

    Mais ça a allumé une lueur dans les yeux de Will qui suffit à réchauffer mon cœur et chasser mes scrupules.

    Puis Will s’est figé.

    Il a pâli, d’un coup et j’ai pris peur.

    J’ai suivi son regard.

    Oh mon Dieu…

     

    Maéli.

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