• Destin brisé

    J'ai claqué ma porte avec brutalité. Pourquoi ? Oui, pourquoi ??!!

    Ce pourquoi qui résonne dans ma tête, c'est un pourquoi plein de colère, plein de haine. Plein de tristesse.

    Je me suis collée au mur, et j'ai glissé. Je me suis retrouvée recroquevillée sur moi-même. J’ai enroulé mes bras autour de mes jambes et les larmes ont coulé. J’ai devant mes yeux mes rêves tombés en miettes et mes espoirs comme des lambeaux de rideaux qui flottent, légers, dans l’air avant de se poser à mes pieds. Qui me narguent en silence.

    Je pleure à sanglots étouffés. Les larmes roulent sans que je tente de les arrêter. A quoi bon ? Elles laissent derrière elles des traces noires de crayon et un goût amer de désespoir.

    Si j’avais pu, j’aurais déchiré tous ces posters qui sont accrochés sur mon mur. Mais j’ai tenté de me lever et je me suis effondrée. Mes jambes refusent de me porter ; alors, je suis restée, là, sur le parquet blanc et froid de ma chambre. J’ai regardé ces posters. Je me suis souvenue de mon regard pétillant chaque fois que je les regardais. Et, il y avait aussi cette pensée : « un jour, je serais comme vous ».

    Mais non.

    J’ai toujours aimé la gym, ça n’a de secret pour personne. J’ai commencé tard, mais j’ai trouvé ma voie.

    Mais je n’avais pas pensé que j’en ferais mon métier.

    Au fond, si, mais j’ai toujours refusé de me l’avouer. J’ai fermé les yeux sur ce que je voulais vraiment et j’ai voulu faire vétérinaire. Ou libraire. Ça n’a jamais posé de problèmes à personne.

    Mais quand est venu le moment de choisir mon avenir, quand j’ai commencé à réfléchir, j’ai su qu’aucun des deux métiers n’était fait pour moi.

    Je voulais réaliser ce rêve que j’avais caché dans mon cœur, je voulais devenir gymnaste à très haut niveau. Faire les jeux Olympiques. Vivre de ma passion.

    A partir de ce moment-là, je me suis mise à rêver à voix haute. A chercher un sport étude. A dessiner mon avenir, pas à pas.

    J’ai redoublé d’efforts en gym et en cours. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté. Personne n’avait le droit de toucher à mon rêve.

    Et j’ai dû l’annoncer à mes parents.

    C’était clair. Ma mère a refusé. Je ne pouvais pas faire ça. J’avais toujours su qu’ils voulaient que je fasse de grandes études, que je devienne une grande personne raisonnable avec un métier aussi important que son salaire.

    Je m’attendais à ça. Mais je ne pouvais pas renoncer aussi facilement.

    J’avais attendu le soir pour l’annoncer à table.

    Et mon père avait explosé. Non, je n’irai pas m’amuser sur des barres à me contorsionner. J’aurais un métier respectable avec un mari respectable et des enfants tout mignons. Je ferais de longues études, j’aurais un vrai métier, et je serais bien.

    Ce qui m’a tué, c’est ce qu’il a lâché, après :

    -C’est pour ton bien. On agit pour ton bonheur, ma fille.

    Un poignard s’est enfoncé dans mon cœur. Mon bonheur ou le tien ?

    On se serait crus dans une série télé. Mais non, c’était la réalité.

    Tout en moi hurlait : « Mais c’est ma vie, mon avenir, mon destin ! Vous n’avez pas le droit !! ». Tout en moi criait qu’ils n’avaient pas le droit de me gâcher mon rêve, de me prendre ma vie pour la faire dévier, de me dire non et d’ainsi ruiner tous mes efforts…

    Mais je n’ai rien dit de tout ça.

    J’ai juste dit, d’une voix vide :

    -Ce n’est pas mon bonheur que tu veux, papa. C’est une illusion. Mon bonheur à moi, c’est la gym. Ce n’est pas parce que toi ça ne te rendrai pas heureux, que pour moi ce n’est pas la voie du bonheur. Et puis, tu penses que gymnaste n’est pas un métier au même titre qu’avocat, hein ?

    « Tu ne me crois même pas capable de réussir, j’ai craché.

    Le silence planait dans la salle à manger. Plus de bruits de couverts, plus de rires gais.

    Je l’avais brisé une dernière fois :

    -Vous n’êtes que deux égoïstes.»

    Et j’avais quitté la table.

    Aujourd’hui, un an a passé. J’ai laissé mon rêve au-dessus de cette table, ce jour-là. J’ai laissé mes parents diriger ma vie. Et voilà où j’en suis rendue à pleurer mon futur, mes ailes brisées et ma vie malheureuse.

    Mais tout ne s’est pas arrêté là.

    J’avais beau avoir écouté mes parents, suivre le chemin de la « raison », ne rien dire et n’avoir jamais reparlé de devenir gymnaste, je n’ai pas abandonné.

    Il me restait un espoir. Une minuscule étincelle.

    Et tous les jours, j’ai travaillé à la cultiver. Je n’ai jamais cessé, je lui ai tout sacrifié.

    Et le jour que j’attendais est arrivé. Je me suis fait détectée.

    On m’a proposé d’intégrer l’équipe de France de gymnastique.

    J’en avais tellement rêvé…

    C’était une chance unique. Tout jouait contre moi. Mais pour saisir cette chance, il fallait l’autorisation de mes parents.

    Pourquoi ne pouvais-je pas choisir seule quand c’était mon avenir qui était en jeu ?

    L’homme m’avait dit que j’avais beaucoup de talent. Qu’on voyait que j’étais faite pour ça. Mais que je devrai travailler dur. Car toutes les professionnelles ont beaucoup de talent et une passion pour la gym.

    L’entraîneur était venu. Mes parents l’avaient renvoyé, sans pitié. Mes parents avaient piétiné mon rêve et de longues heures d’entraînement.

    Je les aurais tués.

    Mais je ne pouvais pas affronter mon père.

    Sauf que je n’ai pas eu le choix.

    Il m’avait demandé avec cette arrogance dans la voix que je ne peux pas supporter :

    « Pourquoi ne peux-tu pas être heureuse comme tout le monde ? Pourquoi ne peux-tu pas être une jeune fille normale ? Hein, dis-moi, Manon, c’est quoi ton problème ? Qu’est-ce qui cloche chez toi ? »

    Devant tant de colère et de mépris, je leur ai jeté à la figure des années de silence. Des années d’obéissance. Pour eux, des années parfaites. Je leur ai craché mon malheur. Je me suis vidée.

    Je leur ai hurlé que c’était de leur faute. Qu’ils m’avaient brisé. Qu’ils avaient refusé de m’écouter. J’ai crié que c’était mon avenir, mon rêve et qu’en quelques mots ils avaient tout bousillé pour me donner un futur dont ils auraient voulu mais qu’ils n’ont pas eu. Que leur égoïsme et leur arrogance avaient détruit ce pour quoi je marche, ce pour quoi je respire, ce qui me tient debout quand rien ne va ; la gym.

    J’ai pu lire dans leurs yeux la surprise. Mais je n’aurais pas pu supporter leur : « Mais pourquoi ne nous as-tu rien dit ? ». Et puis, je ne pouvais plus m’arrêter.

    Je leur ai jeté à la figures leurs belles paroles illusoires qui les font passer pour des parents parfaits alors qu’ils sont incapables de savoir ce qu’on veut vraiment. Car il n’y a que moi qui puisse savoir ce qu’il y a de meilleur pour moi. Ils ne sont pas moi. Ils m’ont volé mon avenir par égoïsme. Et moi, par obéissance, je les ai laissés contrôler ma vie. Pour leur faire plaisir. Mais au fond, ils ont toujours fini par me décevoir.

    Et j’ai quitté la salle laissant derrière moi un silence au couleur de sentence. Un silence levant le voile sur les illusions de mes parents. Un silence qui en disait long sur le combat que je n’ai pas mené par lâcheté.

    C’était il y a quelques minutes. Avant que je m’effondre sur le sol de ma chambre.

    Je m’appelle Manon, j’ai quinze ans bientôt et ma vie ne se résume à presque rien.

    Un avenir gâché. Un destin brisé. Des ailes coupées juste avant l’envol.

     

    Maéli.

    Ps : souvenirs souvenirs... La première nnouvelle publiée sur mon ancien/autre blog...

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